Maisons en bois avec personne rédigeant un rapport derrière

7 septembre 2023

Premier rapport annuel de la défenseure fédérale du logement

La défenseure fédérale du logement, Marie-Josée Houle, a récemment publié son premier rapport annuel. Mme Houle est la toute première personne à occuper ce poste clé, à la suite de l’adoption de la Loi sur la Stratégie nationale du logement par le Parlement en 2019. Cette loi réitère la reconnaissance, par le Canada, du droit fondamental à un logement adéquat.

Le document résume le travail effectué par l’équipe du Bureau du défenseur du logement entre avril 2022 et mars 2023. La majeure partie des données et constats concernant les besoins de la communauté en matière de logement proviennent des observations du public. Le portrait réalisé vise à mieux comprendre les problèmes les plus usuels et critiques afin d’améliorer les lois, les politiques et les programmes.

Les observations ont été recueillies au moyen d’un formulaire à soumettre en ligne, par courriel et par la poste, avec le concours de formations et de soutien téléphonique.

Le questionnaire a été réfléchi de concert avec 30 différents organismes communautaires, afin de garantir sa polyvalence. Au moment de publier le rapport, 220 personnes et 36 organisations avaient fait part de leur expérience.

Le rapport est également l’occasion de formuler de nouvelles recommandations au gouvernement fédéral, ainsi qu’aux provinces, territoires et municipalités. 

Observations de la défenseure

D’entrée de jeu, Mme Houle indique que c’est lors de ses visites sur le terrain qu’elle a le plus appris. 

Elle précise que son rôle est d’amplifier publiquement les voix des gens victimes de la crise du logement et de l’itinérance. Sur la base de ses constats, elle doit émettre des recommandations au bureau du ministre du Logement et de la diversité et de l’Inclusion.

Marie-Josée Houle

Un changement de paradigme s’impose, il nous faut un système qui place les gens au cœur de toutes nos décisions et nos activités. Un système qui respecte la dignité humaine. Un système qui renforce la solidarité communautaire et place les droits de la personne en tête de liste.

Dans son rapport, la défenseure du logement constate que les besoins impérieux en matière de logement sont en croissance dans l’ensemble du Canada et que les droits de la personne nécessitent une attention urgente.

Elle précise que les groupes les plus touchés par la précarité résidentielle sont les peuples autochtones, les femmes, les personnes noires et racisées, les personnes en situation de handicap, de même que les membres de la communauté 2ELGBTQI+.

Problèmes systémiques de logement

Le rapport explore les problèmes systémiques rencontrés par les citoyens, notamment les enjeux de pénurie, d’abordabilité, les évictions, les reprises de logement et la discrimination.

Afin de mettre en lumière les enjeux rencontrés, le rapport analyse cinq principaux domaines, soit la financiarisation du logement, les campements, le droit au logement pour les peuples autochtones, le droit au logement pour les femmes et les personnes de diverses identités de genre, et l’itinérance des anciens combattants canadiens.

Mme Houle souligne que les logements sont souvent inadaptés et que face au vieillissement rapide de la population, il y a un besoin urgent de logements accessibles.

Selon elle, en vertu de la Loi canadienne sur l’accessibilité, les normes d’accessibilité devraient être appliquées aux constructions neuves pour répondre aux besoins évolutifs des individus. Cela permettrait également la désinstitutionalisation de personnes en situation de handicap, pour lesquelles elle propose un plan de sortie.

Ainsi, Mme Houle préconise une approche coordonnée impliquant les gouvernements à tous les niveaux.

Faits saillants pour le Québec

Mme Houle a visité Montréal et St-Jérôme du 20 au 24 février derniers. Dans l’intervalle, soit le 23 février, elle a lancé un examen national des campements de personnes en situation d’itinérance au Canada.

Le Québec connaît une hausse historique du nombre de sans-abri et le continuum de services favorisant l’accès à un logement est défaillant.

La défenseure constate que la peur et l’insécurité règnent souvent dans les campements, en raison des démantèlements. Elle déplore cette approche punitive, qui nuit aux droits fondamentaux des individus qui y résident.

Pour appuyer ses propos, Mme Houle précise que les campements brisent l’isolement et favorisent un sentiment de communauté, en plus de faciliter le travail de proximité. Elle rappelle que les organismes communautaires, bien que bienveillants et expérimentés, manquent de ressources pour faire face au phénomène.

Observations du public

Plusieurs ont évoqué le manque de fonds pour le logement social. Certains ont dénoncé la lenteur des progrès pour les peuples autochtones. Les personnes sondées souhaitent également un renforcement de la protection des locataires.

Selon la défenseure, au Québec, comme ailleurs, il n’y a pas de vision globale ni de stratégie claire pour dénouer l’impasse.

Une stratégie défaillante

Au-delà des constats et des pistes de solution, les gouvernements doivent prendre des mesures significatives et efficaces en collégialité afin de réaliser le droit à un logement adéquat.

À la mi-parcours, en 2022, la Stratégie nationale sur le logement (SNL) était loin d’atteindre la cible de réduction de 50 % les besoins impérieux de logement et d’éradication de l’itinérance d’ici 2030.

Elle ne répond pas non plus aux besoins des peuples autochtones et des groupes défavorisés.

Des études ont révélé que moins de cinq pour cent des nouvelles unités construites grâce aux deux principaux programmes de la Stratégie sont accessibles aux personnes ayant les besoins les plus criants. Il faut se rendre à l’évidence, on rate la cible.

Aussi, dans son rapport, Mme Houle émet une série de recommandations pour améliorer la SNL.

Elle dépeint une crise complexe qui nécessite un travail concerté des différents paliers gouvernementaux.

Afin d’éradiquer l’itinérance d’ici 2030, Mme Houle propose une approche pangouvernementale coordonnée et engagée envers les droits de la personne.

Elle rappelle qu’il reste du chemin à faire, considérant que le budget fédéral 2023 éclipse la crise du logement et de l’itinérance la plus urgente que le pays ait traversé.

Réalisation progressive du droit au logement

La défenseure occupe un siège au Conseil national du logement (CNL), qui a pour rôle d’éclairer les recommandations de la défenseure visant l’amélioration de la SNL. Elle favorise ainsi l’élaboration des lignes directrices pour les commissions d’examen, qui tiennent des audiences publiques et qui émettent des recommandations au ministre pour faire évoluer le droit au logement.

Elle fera également des propositions d’améliorations au prochain questionnaire de recensement de Statistique Canada (2026) afin de mieux mesurer la réalisation du droit au logement.

Au lieu de financer inutilement ce que le marché produit déjà, les investissements de la SNL doivent rendre la valeur communautaire par le biais de logements abordables, accessibles et adaptés aux personnes exclues du système de logement.

En définitive, la défenseure souhaite un virage politique axé sur le droit au logement, la dignité humaine et l’expérience vécue.