6 juin 2022

Santé mentale au travail : Prévenir les risques psychosociaux

Adaptation et santé mentale

L’adaptation est un processus qui fait partie intégrante de la nature humaine et qui permet d’évoluer et d’accepter le changement. Toutefois, lorsqu’une situation ou des événements provoquent un trop grand stress pour un individu, celui-ci peut vivre des difficultés, voire, des troubles d’adaptation. À ce moment-là, la personne éprouve des perturbations au niveau émotionnel et comportemental qui peuvent lui faire vivre de l’anxiété, de la déprime ainsi que des changements d’humeur soudains1.

Ce portrait résonne sans doute auprès de beaucoup d’individus, entre autres lorsque l’on se transporte début 2020. Toutes les sphères de la vie ont été alors chamboulées, dont celle de la vie professionnelle.

La charge mentale de cette nouvelle réalité a pesé sur la santé psychosociale et mentale de nombreux employé·es et employeur·es. Alors qu’en 2019, 6,4% des Canadien.nes vivaient une incapacité au travail en lien avec la santé mentale, ce chiffre augmentait à 8,9% en 2021 avec une prévalence marquée chez les femmes et la population âgée de 25 à 54 ans2. Diverses études, outils, conférences et lignes d’écoute ont alors vu le jour afin de pallier la demande des organisations pour soutenir les employé.es et les employeur.es. La CNESST a également mis sur pied des outils pour élaborer une politique de télétravail dans le but de soutenir les organisations à mieux l’encadrer.

Et pour les organisations pour lesquelles le télétravail n’était pas une option, l’adaptation a également été ardue, si ce n’est pas plus, car en plus de la charge mentale, les employé·es et employeur.es devaient conjuguer avec la prestation en continu des usagers et les mesures sanitaires changeantes.

Malgré le lot de difficultés qu’ont amenées ces deux dernières années, elles ont permis de faire des avancées sur des enjeux liés au milieu professionnel tels que la reconnaissance des métiers auparavant perçus comme « précaires » ou « alimentaires », la mise en place du télétravail et la reconnaissance des risques psychosociaux au sein des démarches de prévention des organisations.

Et cette capacité d’adaptation dont font preuve les travailleurs.ses depuis deux ans va à nouveau être mise à l’épreuve avec le retour au bureau à temps plein ou en mode hybride. Il s’agit donc d’un bon moment pour les organisations de revoir les facteurs psychosociaux de leur milieu de travail et les risques qu’ils pourraient engendrer afin d’accueillir les travailleurs.ses dans un contexte de travail remodelé après deux années mouvementées.

La prise en charge des risques psychosociaux en milieu de travail

La CNESST reconnaît désormais les risques psychosociaux comme des risques prédominants. Il est bien important de retenir que ces risques ne représentent plus seulement ceux liés au harcèlement psychologique et sexuel. D’autres facteurs peuvent porter préjudice à la santé mentale des travailleurs.ses liés entre autres aux conditions d’emploi, de l’organisation du travail et des relations sociales. Et à l’instar de la croyance populaire, ces risques peuvent être identifiables et mesurables lorsque l’on parle par exemple de surcharge de travail, d’heures supplémentaires, de faible reconnaissance et de faible soutien de la part de l’employeur·e et des collègues.

De plus, les impacts nocifs des risques psychosociaux le sont autant sur la santé mentale que sur la santé physique des travailleurs·ses [voir l’image ci-dessus].

Mais afin de bien prendre en charge ces risques, par où commencer pour les identifier ?

Divers facteurs psychosociaux sont présents dans tous les milieux de travail et sont susceptibles de devenir nocifs s’ils sont mal encadrés ou délaissés. La charge de travail est un des premiers facteurs à vérifier lorsque l’organisation souhaite se pencher sur le bien-être mental de ses employé·es. La charge de travail représente la quantité de travail à accomplir ainsi que les exigences, contraintes et échéances des tâches demandées. Il est important de prendre en compte autant la charge de travail ressentie par le travailleur ou la travailleuse que celle demandée par l’employeur. Il est également intéressant de vérifier la nature des demandes (formelles ou informelles), les outils et ressources mises à disposition des travailleurs.ses ainsi que les imprévus et le temps disponible pour accomplir les tâches.

Par la suite, il peut être judicieux de se pencher sur l’autonomie décisionnelle qui réfère au contrôle que la personne salariée peut exercer sur son travail et sur l’influence qu’elle peut avoir sur les décisions liées à l’organisme et l’organisation de ses tâches. L’autonomie décisionnelle comporte également des notions de créativité, d’esprit d’initiative et de développement des compétences. En prenant le temps de s’assurer de l’autonomie professionnelle des travailleurs·ses, l’employeur augmentera l’implication de ses employé·es au sein de l’organisation et participera au sentiment d’accomplissement de soi de ses travailleurs.ses.

Le soutien social de l’employeur et des pairs sert aussi de repère comme facteur de bien-être mental chez les travailleurs·ses. Le soutien social du supérieur immédiat se traduit, par exemple, par sa disponibilité, son ouverture aux idées et à son écoute tandis que le soutien social des collègues se manifeste par la cohésion d’équipe et la collaboration. Un bon soutien social engendre des comportements de respect et de politesse qui font de l’organisation un milieu sain dans lequel il fait bon œuvrer.

La reconnaissance du travail est un autre facteur qui impacte également la santé mentale des travailleurs·ses. Que ce soit par des gestes symboliques ou par des gestes concrets, les diverses manières de reconnaitre les efforts fournis au quotidien par l’équipe et les individus sont gages de loyauté et de bien-être au travail.

Finalement, le harcèlement est la cause la plus connue de risque psychosocial au travail et des efforts supplémentaires doivent être appliqués afin de le prévenir et le contrôler. Depuis 2019, toute organisation doit se munir d’une politique de prévention du harcèlement psychologique ou sexuel et du traitement des plaintes. Un manquement à cette obligation est passible d’amende3. Il est important que cette politique soit accessible au personnel et qu’elle soit rappelée tous les ans.

Les niveaux de prévention selon les risques

Une fois les facteurs précédents identifiés et analysés dans votre milieu de travail, ils se doivent d’être prévenus et contrôlés. À ce propos, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) propose trois types de préventions à mettre en place :

Le niveau primaire est à mettre en place avant l’apparition du problème ou de la lésion professionnelle. Par exemple, une mise en place de consultation auprès du personnel concernant les facteurs psychosociaux, une diminution de la charge de travail, la mise en place d’un volet de reconnaissance pour les employées, etc.

Le niveau secondaire quant à lui, est à mettre en exécution lorsqu’un ou plusieurs facteurs psychosociaux présentent des risques néfastes auprès d’une ou plusieurs personnes salariées. À ce moment-là, il est pertinent de mettre sur pied des ateliers sur la gestion du temps, des formations sur la gestion du stress, des rencontres individuelles avec le ou la supérieur.e immédiat·e, etc.

Finalement, le niveau tertiaire est à employer lorsque les risques sont bien présents dans le milieu de travail et qu’il s’avère important de diminuer les probabilités de récidives et de limiter les complications. Le programme d’aide aux employés et la mise en place de politiques sont de bons outils dans ce contexte.

Dans le but de vous soutenir dans la compréhension, l’analyse et la prise en charge des risques psychosociaux de votre organisme, n’hésitez pas à utiliser les outils offerts par la CNESST et l’INSPQ.

Audrey Rourre
Responsable de la formation – RQOH


1. https://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/adapter/1004
2. https://tinyurl.com/2s46unry
3. www.lesaffaires.com/secteurs-d-activite/general/2021-plus-d-incapacites-liees-a-la-sante-mentale/631318

 

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