Par Danielle Trussler, directrice. Réseau Habitation Femmes (RHF) et de La Chrysallide. Merci à Toufik Nid Bouhou, agent de liaison et de communication. Fédération des OSBL d’habitation de Montréal (FOHM)

Autrefois locataire du Réseau habitation femme (RHF) et maintenant directrice, Danielle Trussler a généreusement accepté de se confier à nous et de partager son histoire personnelle. Un inspirant récit en deux actes qui atteste de l’importance qu’un milieu de vie de femmes peut avoir sur la capacité de celles-ci à reprendre leur place dans la société.

Le Réseau habitation femmes (RHF) est un organisme sans but lucratif de logement social pour femme en difficulté utilisant les approches d’« empowerment » et féministe via le soutien communautaire. J’y ai été, en 1993 et 1996, locataire et, maintenant, j’y travaille à titre de directrice.

Jusqu’en 1990, je jonglais assez bien avec mes dépendances. J’avais un enfant, donc je ne vivais pas dans la rue, mais je déménageais plusieurs fois dans une année. Les deux années qui ont suivi, je suis devenue victime de violence, ma dépendance aux substances a augmenté de façon rapide et j’ai fini par demander de l’aide pour mon fils. Je ne voulais plus lui faire vivre ma vie. Il s’est retrouvé dans un foyer de centre jeunesse et moi, j’ai poursuivi ma descente. Puis, il y a eu l’Auberge Madeleine, suivi de mes débuts au Groupe communautaire L’Itinéraire et, en 1993, à mon premier
séjour au RHF.

Ce sont des intervenants de L’Itinéraire, qui s’impliquaient au RHF, qui m’ont fait découvrir cette ressource. Un an auparavant, je m’étais retrouvée à rue et je n’avais aucune idée que ce genre d’habitation existait! Les HLM, oui, je connaissais… Les OSBL privés, non. Je me rappelle qu’à l’époque, pour moi, l’intérêt principal de cette solution était le loyer modique qu’elle procurait. Mes préoccupations étaient simples et en même temps très compliquées : l’argent était au coeur de toutes mes pensées afin de m’assurer, d’une part, que mon enfant ne manque de rien (nourriture, vêtement, jouet, loisir, etc.) et, d’autre part, afin de pouvoir continuer à me détruire…

En 20 ans, beaucoup d’eau a coulé sous les ponts : j’ai fait une thérapie durant près de quatre ans et, depuis une dizaine d’années, j’ai stabilisé ma vie, je suis en couple, j’ai retrouvé la santé, je suis devenue propriétaire, je suis redevenue une citoyenne à part entière et je travaille… Comme directrice du RHF! La possibilité qui m’a été  offerte de m’impliquer dans mon milieu de vie au RHF et de prendre part aux décisions à l’intérieur de l’organisation a été, pour moi, le coup de pied au derrière qu’il me fallait pour me refaire une vie.

En effet, d’abord locataire, j’y ai fait un contrat de peinture. Puis, en 1996, j’ai mis sur pied le comité des locataires et j’y ai fait adopter une politique pour les chats. Par la suite, j’ai participé au comité de développement et de chantier, lors de l’acquisition du deuxième immeuble, j’ai été membre du CA et j’ai représenté l’organisme un peu partout… Personnellement, mon expérience me démontre qu’un milieu de vie de femmes peut permettre à celles-ci de mieux reprendre leur place dans la société. Le fait que l’environnement soit sécuritaire, en plus d’être économiquement décent, permet à celles-ci de mener d’autres combats et d’obtenir des victoires individuelles.

Pour moi, le RHF est donc beaucoup plus qu’un simple employeur, c’est une mission sociale que j’endosse pleinement et mon sentiment d’appartenance envers mon organisme est extrêmement fort. Bien qu’au quotidien, la multitude de problèmes, ou d’urgences humaines et immobilières, qui s’ajoutent à la gestion régulière de l’organisme compliquent grandement la tâche, les success-stories qui se produisent en valent, pour moi, la peine et me motivent dans mon travail.

Cela me rappelle la nécessité de continuer le développement de logement social permanent pour femmes. Un toit sur la tête, se nourrir tous les jours et s’habiller adéquatement sont la base, un minimum à atteindre, si l’on veut permettre aux gens de s’en sortir.

Article paru dans le bulletin Le Réseau no 43