1 novembre 2016
Rendue publique le 23 octobre 2016, la Politique gouvernementale de prévention en santé vise à doter l’État québécois d’un cadre intersectoriel structurant pour agir sur les facteurs qui ont un impact déterminant sur la santé, en ciblant avec plus d’intensité les populations vulnérables dans le but de réduire les inégalités sociales de santé.
Dans sa Politique, le gouvernement se donne neuf cibles à atteindre d’ici 2025, devant traduire l’engagement de quinze ministères et organismes. Ces cibles touchent les dimensions individuelles et environnementales qui font qu’une population est en bonne santé : habitudes de vie, scolarité, aménagement du territoire, logement, revenu, conditions de travail, milieux de vie, organisation du système de santé et de services sociaux, etc.
Le premier élément de satisfaction pour le RQOH, et qui devrait réjouir l’ensemble des intervenants des milieux communautaires ou de la défense des droits, est que le gouvernement reconnaît que toute approche axée sur la prévention devra agir sur les déterminants de la santé et sur la répartition inéquitable de ses facteurs, dont les conditions de vie des personnes (revenu, travail, scolarité, alimentation, logement, etc.). Le gouvernement va même un peu plus loin : « Ces facteurs sont eux-mêmes influencés en amont par des éléments plus structuraux, dont le contexte global qui marque la vie en société, sur le plan politique, social et économique notamment, ainsi que les systèmes administrés par l’État. » L’admission que « l’accès à un logement abordable [le ménage y consacre moins de 30 % de son revenu avant impôt] est essentiel pour les personnes et les familles dont la situation socioéconomique est précaire » est importante et constitue un pas dans la bonne direction.
La Politique gouvernementale de prévention en santé vise à « accroître l’offre de logements abordables, sociaux et communautaires de 49 % ». Non, il ne s’agit pas de faire passer le parc de logements sociaux du Québec de 150 000 qu’il est actuellement à 225 000 (une augmentation de 50 %). » Interrogées sur les modalités de cette croissance annoncée, des sources gouvernementales ont confirmé qu’il s’agissait en fait des unités en AccèsLogis déjà annoncées ces dernières années et en voie de réalisation et des unités en « supplément au loyer » sur le marché privé annoncées depuis avril 2015.
Cette « offre » de logement abordable, du point de vue de Québec, inclut donc également le marché locatif privé rendu bien hypothétiquement « accessible » par un programme de supplément au loyer. Nous avons critiqué ailleurs ce point de vue que nous considérons comme infondé. En résumé, « l’augmentation de l’offre » annoncée ici est en fait la confirmation de la réduction du rythme de construction de logements sociaux.
Enfin, le RQOH pourrait se féliciter du fait que la Politique, lorsqu’elle traite de l’habitat dans une optique de prévention de la santé des personnes fragilisées (âgées en perte d’autonomie, ayant une déficience physique ou intellectuelle, vivant en situation d’itinérance, présentant des facteurs de risque tels des problèmes familiaux, etc.), le fait en considérant le logement comme étant plus qu’un toit. En effet, le gouvernement reconnaît l’apport du soutien communautaire en logement social en matière de prévention en santé.
Il convient de citer ici le document in extenso :
Le soutien communautaire en logement social, qui comporte des activités diversifiées d’accompagnement social et de soutien selon les besoins des personnes, est une intervention de proximité complémentaire aux services du réseau de la santé et des services sociaux ainsi qu’aux programmes de logement social et communautaire. Il présente un caractère préventif (de prévention des méfaits) et favorise une intervention rapide. Ce soutien peut améliorer l’estime de soi, le sentiment de sécurité physique, psychologique et financière, la capacité d’agir des personnes ainsi que la qualité des relations sociales, et ce, tout en réduisant les risques de détérioration de leur état physique ou social ou l’aggravation de leur situation de vulnérabilité. [p.55]
Rien à redire, si ce n’est que cet énoncé de principe est en quelque sorte un calque de ce qui apparaît dans le Cadre de référence sur le soutien communautaire en logement social qu’ont conjointement adopté le MSSS et la SHQ en 2007 et qui devrait déjà encadrer et financer adéquatement cette pratique. Dans la mesure où la Politique gouvernementale de prévention en santé réaffirme les engagements précédemment énoncés dans le Cadre de référence, nous nous réjouissons de la cohérence du gouvernement.
Globalement, on peut dire que la nouvelle politique de prévention se base sur une approche d’amélioration des déterminants de la santé, et sur une appréhension de ces déterminants qui prend acte de leur répartition inéquitable dans la société. Nous ne pouvons que saluer cette réaffirmation de principe. En ce qui a trait au logement plus spécifiquement, le RQOH salue la reconnaissance de la part de l’État de l’apport du logement social et en particulier de sa dimension de soutien communautaire. Cependant le RQOH ne peut que se désoler du sur-place en ce qui a trait à la construction de nouvelles unités et du sentiment dont on ne peut s’affranchir que la Politique gouvernementale de prévention en santé n’annonce rien de nouveau en termes de mesures innovantes et encore moins en termes d’argent frais.
.