Recrudescence de l’itinérance : le droit au logement en danger

> Un enjeu polarisant

L’acceptabilité sociale des personnes en situation d’itinérance est mise à rude épreuve par les temps qui courent. Nous entendons d’ailleurs beaucoup parler du phénomène pas dans ma cour.

La situation devient carrément intenable dans plusieurs villes.

Pendant ce temps, des gens souffrent de n’avoir pas d’endroit sûr où s’enraciner et s’épanouir humainement. Qui plus est, les organismes communautaires et les travailleurs de rue sont à bout de souffle.

Nous le constatons au quotidien, l’itinérance ne se limite plus aux grands centres urbains. Il s’agit d’un enjeu multifactoriel qui n’a pas seulement un lien avec la pauvreté.

En effet, nous sommes aujourd’hui face à des problèmes de dépendance accrus – la crise des opioïdes en témoigne –, à des enjeux de santé mentale, sans compter la pénurie et l’inabordabilité des logements.

> Urgences municipales

À Gatineau, une centaine de tentes bordent le refuge d’urgence pour personnes en situation d’itinérance. L’organisme communautaire qui gérait jusqu’en mai dernier la halte-chaleur a jeté l’éponge, tant ses employés étaient éprouvés par la lourdeur de la situation.

Au même titre, la Soupe populaire de Hull a considérablement réduit son offre de service, en raison d’épisodes de violence. Un modèle de médiation sociale et une stratégie de sécurité communautaire sont au cœur des réflexions actuelles.²

Ailleurs en province

Joliette est quant à elle aux prises avec des enjeux de délinquance. Le ministre Lionel Carmant, perçu comme un grand absent par plusieurs, a d’ailleurs visité la municipalité, qui a fait de la lutte à l’itinérance sa priorité.³

L’été a été particulièrement éprouvant pour les personnes itinérantes à Sherbrooke. Les frustrations vécues par ces individus pour qui les ressources ne suffisaient pas ont entraîné des épisodes de violence.⁴

Chicoutimi, où le phénomène social est bien visible, songe à mettre sur pied une escouade de civilité.⁵

Préoccupée par la situation et désireuse de dénoncer l’immobilisme gouvernemental, la comédienne Guylaine Rivard a fait un sit-in à Chicoutimi⁶. Sur une note positive, un refuge y a ouvert ses portes le 29 août dernier.⁷

Les régions éloignées de plus en plus touchées

La situation est très difficile en Abitibi-Témiscamingue, notamment à Lac-Simon, comme l’a constaté le député Denis Trudel, qui fait une tournée du Québec afin de documenter la crise du logement et de l’itinérance.⁸

Même sur la Côte-Nord, où elle est moins visible qu’ailleurs, l’itinérance est une réalité. La résidence St-Joseph, un refuge d’urgence de Pointe-aux-Outardes, a d’ailleurs récemment évité la fermeture, gardant espoir de trouver du financement.⁹

> Le rôle des municipalités

Les municipalités, qui doivent composer avec la réalité terrain, jouent un rôle de premier plan face à cette crise sociale. Leur rôle de proximité était d’ailleurs au cœur des dernières assises¹⁰ de l’UMQ.

Un premier Sommet municipal sur l’itinérance se tenait également le 15 septembre dernier. À la lumière des données préoccupantes du dernier dénombrement, qui chiffrait à 44 % la hausse du phénomène¹¹, les maires et mairesses ont plaidé pour une meilleure collaboration entre les différents paliers gouvernementaux.

Le porte-parole de l’UMQ et maire de Québec, Bruno Marchand, a fait une promesse électorale audacieuse en visant l’itinérance zéro.

Il a voyagé pour s’inspirer de modèles qui fonctionnent en Europe. Et nos voisins européens ont rendu la politesse. La ville belge de Namur désire en effet s’inspirer du modèle de Lauberivière¹², qui place l’individu au centre des démarches, en favorisant l’accueil et la réinsertion sociale des personnes hébergées.

> Comment assurer la cohabitation ?

Afin d’assurer un peu de stabilité aux personnes sans domicile, des villes comme Granby ont prévu des zones de tolérance¹⁵, espérant inspirer d’autres municipalités à emboîter le pas.

Dans un mémoire déposé dans le cadre des consultations sur le plan de lutte contre la pauvreté, Centraide rappelait d’ailleurs l’importance d’aborder la question du logement sous l’angle des personnes en situation de vulnérabilité¹⁶.

Pour sortir de l’urgence sociale, il faut agir en amont et en aval ; de la prévention au continuum de services pour aider les gens à se loger dignement. Nous devons surtout renverser la financiarisation du logement au profit des droits fondamentaux des individus et offrir à chaque citoyen un droit de cité trop souvent bafoué.