Depuis plusieurs mois les différents médias nous rappellent que nous vivons une réelle crise du logement. Les hausses de loyer sont importantes, ne permettant pas à des dizaines de milliers de ménages de se loger convenablement. Des opérations d’investissement immobilier se traduisant par l’exclusion de ménages de logements à des fins de rénovations – ce que l’on désigne sous le nom de rénovictions – sont de plus en plus décriées en raison de leur impact sur la pauvreté. Les politiques publiques sont, de l’avis d’un très grand nombre de mouvements sociaux et de spécialistes dans ce domaine, insuffisantes.
La dernière campagne électorale municipale a permis, dans plusieurs villes, petites et grandes, de réitérer l’importance du logement social et communautaire à titre de composante essentielle du développement local.
Comment retirer davantage de logements du marché spéculatif pour les rendre accessibles à toutes et tous ?
En novembre dernier, fidèle à ses habitudes, l’Institut du Nouveau Monde publiait son portrait annuel du Québec dans un ouvrage intitulé « L’État du Québec 2022 ». Au sein de ce volume, un article portant sur la situation du logement. Hélène Bélanger, professeure à l’Université du Québec à Montréal et membre du Collectif de Recherche et d’ACtion sur l’Habitat conclue sa réflexion de la façon suivante :
« Pour terminer, le marché privé ne saurait répondre à l’ensemble des besoins des communautés en matière de logement. Des formes de logements propres au Québec sont reconnues comme étant innovantes, telles que les coopératives et les OBNL d’habitation. Le Québec doit faire preuve d’audace et investir des sommes conséquentes dans le logement social et dans la constitution de réserves foncières pour le développement, par les communautés, de logements non marchands. »
En cette période de crise du logement, la Caisse d’économie solidaire réfléchit pour répondre mieux encore aux besoins de ses membres en habitation sociale et communautaire.
Accessibilité à toutes et tous
Pour répondre aux besoins actuels, le Québec a depuis longtemps son modèle de logements sociaux et communautaires qui est fonctionnel, mais qui tourne au ralenti faute de financement adéquat. Avec les années, les programmes gouvernementaux s’élargissent à la classe moyenne. Nous sommes nombreux à le souligner : on parle du logement abordable, mais pour qui ? Le prix des loyers s’emballe.
Pourtant les membres de l’Association des groupes de ressources techniques du Québec ont présentement 180 projets totalisant 10 000 logements qui ont besoin de financement, maintenant.
Prise de valeur et développement
Les fins de conventions avec la SCHL ont mis en évidence la valeur prise au fil des ans par les immeubles à logements sociaux. Cette équité immobilière permet depuis quelques années principalement de financer la rénovation des immeubles. En addition à ces interventions visant à protéger le patrimoine collectif immobilier, pourrait-elle servir à générer du développement ?
La pratique nous démontre que c’est possible.
Acheter plutôt que construire
Ce n’est pas d’hier que des organisations communautaires ont adopté le modèle d’acquérir des logements existants plutôt que de construire.
Regardons du côté des logements de SOLIDES sur la Rive-Sud de Montréal et dans le Sud-Ouest de la métropole. La Société locative d’investissement et de développement social (SOLIDES) a vu le jour il y a 20 ans. À l’époque, le groupe s’inquiétait de la disparition du programme AccèsLogis.
Ce groupe communautaire achète, entretient et administre des immeubles à logements en maintenant les loyers le plus bas possible. La plupart de ses 45 immeubles – plus 600 logements – ont été acquis sans programme gouvernemental. Aujourd’hui, son parc immobilier vaut 55 millions de dollars. Le financement vient principalement de prêts hypothécaires auquel s’ajoute à l’occasion l’appui de municipalités.
C’est presqu’un appel à l’utilisation de l’équité immobilière que lance François Giguère, directeur général de SOLIDES : « Notre expérience nous a appris que nous sommes capables avec le temps de rendre accessibles aux locataires à faible revenu des logements privés pourtant inabordables lorsque nous les avons achetés. Même si les programmes gouvernementaux élargissent la notion d’abordabilité à la classe moyenne, nous savons que nous pourrons continuer notre occupation du territoire et que la clé, c’est de sortir les logements du marché spéculatif. »
L’approche de la Caisse d’économie solidaire
On continue de travailler avec de grands joueurs financiers pour mettre en place des outils qui permettent de rencontrer les normes bancaires. Les fonds de travailleurs sont très contributifs. Nous voulons accroître les sources de financement de l’habitation sociale et communautaires. Les grands financiers du Québec font assurément partie de la solution.
Par exemple, la Société immobilière locative à prix accessible (SILA) a fait l’acquisition de 84 unités de logements répartis dans 9 bâtiments à Lévis dans l’arrondissement Saint-Romuald, un secteur caractérisé par un niveau élevé de défavorisation. Le projet a nécessité un investissement de 9 millions $ consenti par le Fonds immobilier de solidarité FTQ, la Fondation Lucie et André Chagnon et la Caisse d’économie solidaire Desjardins. La SILA a également bénéficié du programme d’assurance prêt hypothécaire «logement abordable» de la Société canadienne d’hypothèques et de logement (SCHL). L’objectif du projet est de procéder à la réalisation de travaux de rénovation tout en maintenant les loyers abordables. Le Groupe de ressources techniques Nouvel Habitat, membre de l’Association des groupes de ressources techniques du Québec, assure la coordination des travaux ainsi que la gestion immobilière.
Au quotidien, nous démontrons au Mouvement Desjardins que les financements du logement social et communautaire sont de bons financements.
Accroître le nombre de logements sociaux, c’est créer de l’abordabilité perpétuelle et éviter de nouvelles crises. Pour l’instant, nous sommes au front de la crise du logement avec vous.
Ce que nous avons gagné depuis cinquante ans, nous l’avons fait avec les organisations communautaires et leurs partenaires. On a contribué à élargir le nombre de partenaires financiers. C’est notre approche, celle d’un réel partenariat où toutes les parties mettent ensemble leur force.
Nous avons l’intention de poursuivre et de faire progresser ces avancées avec vous.
André Fortin
Conseiller stratégique en habitation
Caisse d’économie solidaire