1 décembre 2012
Le cadre de référence sur le soutien communautaire a 5 ans. Adopté par le ministère de la Santé et des Services sociaux et la Société d’habitation du Québec en octobre 2007, le cadre a le grand mérite d’exister. Mais après 5 ans, il est intéressant d’en faire un bilan, un bilan selon nos propres critères.
Le Cadre est un compromis. Il a été l’objet de discussions plus au moins intenses entre 2003 et 2006 et, bien que nous ayons largement tenté d’influencer sa rédaction, nous n’avons pas toujours réussi.
Les principaux éléments du Cadre sont, selon nous :
La reconnaissance d’une responsabilité partagée des réseaux de l’habitation et de la santé et des services sociaux à l’égard de leur clientèle commune habitant en logement social et communautaire;
Le soutien communautaire représente un moyen d’acquérir une stabilité résidentielle, de développer la capacité de prise en charge, tant collective qu’individuelle (l’empowerment), et de permettre l’inclusion des personnes dans la communauté;
La souplesse et la diversité des interventions retenues en matière de soutien communautaire en logement social centrées sur les besoins des personnes, des familles et des groupes concernés;
Aux fins de l’application du Cadre, le type d’habitation retenu est le logement permanent avec bail, géré par les offices d’habitation, les OBNL et les COOP.
Le document s’étale sur 30 pages, plus les annexes, et aurait gagné à être plus concis.
La mise en place du Cadre
Dès 2006, le MSSS et la SHQ ont financé une série de rencontres entre l’habitation et la Réseau de la Santé où les travaux autour du Cadre étaient présentés. Malheureusement, cette tournée n’était destinée qu’aux offices d’habitation, une décision de la SHQ de nous exclure qui sera lourde de conséquence. Après avoir un peu déchiré notre chemise, nous avons obtenu une série semblable de rencontres pour les logements communautaires à partir de 2008. Mais dans certaines régions, nous sommes passés trop tard et tout le financement est allé aux offices d’habitation.
Un financement de départ de 5M$
Bien que le MSSS, tout au long des travaux de rédaction du Cadre, ait soutenu que celui-ci devrait être mis en place à même les budgets déjà existants des Agences, l’adoption du Cadre s’est accompagné d’un investissement du MSSS de 5M$. Mais la répartition régionale de ce montant était, selon nos critères, assez alambiquée. En effet, le MSSS a réparti les sommes de la même façon qu’il répartit tous les budgets de développement, selon un calcul prenant en compte la population et le financement historique de certaines régions et le rattrapage nécessaire à certaines autres en croissance démographique. La répartition ne tenait pas compte de la présence de logements sociaux et communautaires. L’écart est flagrant en Montérégie par exemple, qui reçoit 25,6 % de l’enveloppe, mais qui ne compte que 10,6 % des unités de logements. Il en va de même avec Montréal où, avec 34,6 % des logements, seules 11,6 % des sommes sont accordées.
La mise en place a aussi été très différente d’une région à l’autre. Dans certains cas, il y a eu des appels de propositions rapides, dans d’autres, rien. Dans certains cas, seuls les offices d’habitation étaient invités.
Il faut souligner que si une région comme l’Estrie a détourné une partie des sommes qui lui étaient allouées pour le soutien communautaire vers d’autres programmes, le Saguenay et Montréal en ont, pour leur part, ajoutées.
La « souplesse et la diversité d’intervention » ont donné lieu à des façons de faire discutables (dans le sens de « on pourrait en discuter »). Par exemple, le fait que des organismes communautaires qui ne font pas d’habitation, mais qui interviennent dans des OH, aient reçu du financement reste, selon nous, discutable, de même que la pratique de certains Centres de santé qui ont conservé les sommes pour engager du personnel qui offre le service.
Mais pour en discuter, il faut un lieu. Même si le cadre prévoyait un comité de suivi, celui-ci ne s’est réuni qu’une seule fois en 2009. La première constatation était le manque d’information que le MSSS partageait avec le comité. C’est pourquoi le Réseau a fait sa propre collecte d’informations. Si plusieurs Agences ont fourni les renseignements demandés sans problème et dans un esprit d’ouverture, d’autres nous ont obligés à invoquer la loi de l’accès à l’information et même, dans un cas, la Commission de l’accès à l’information.
Notre bilan nous indique que différents organismes ont reçu de l’argent en vertu du Cadre :
Les activités financées sont variées
Aide à la personne dans l’exercice de ses droits et responsabilités en tant que citoyenne ou citoyen, aide à la vie courante, aide à la vie collective ou associative, développer et soutenir la vie communautaire en favorisant la par ticipation citoyenne et le développement des habiletés sociales des locataires (journal communautaire, coopérative jeunesse de travail, médiation citoyenne ), soutien à la vie collective, activités sociales et de loisirs, gestion du bail et du crédit d’impôt, soutien au comité des résidants, stimulation et accompagnement dans des activités sociales, gestion budgétaire, soutien dans la résolution de conflits et dans la gestion de crise. Toutes des activités qu’on peut assimiler au soutien communautaire.
Mais on trouve aussi des activités de type relation d’aide, du support individuel adapté aux besoins des locataires en complémentarité avec les services offerts par le CSSS et du suivi individualisé pour la stabilisation résidentielle qui sont clairement en dehors du champ du soutien communautaire.
Le financement
Le financement aurait dû prendre en compte les autres sources qui peuvent être utilisées pour du soutien communautaire comme le Programme d’aide aux initiatives communautaire en HLM (PAIC-SHQ) avant 2011 et l’Initiative de développement durable, d’entraide et de mobilisation (ID2EM-SHQ) depuis 2011, la Stratégie des partenariats de lutte contre l’itinérance (SPLI-RHDCC) et le Soutien aux organismes communautaires (SOC-MSSS). Sans compter le financement de la SHQ destiné aux OH comme le financement des associations de locataire, le soutien à la clientèle qui permet une somme de 22 $ par logement par an pour les services d’un intervenant, les activités communautaires et sociales qui sont aussi financés par la SHQ pour les offices d’habitation seulement.
Les besoins en soutien communautaire ont été évalués au fil du temps par les différents regroupements. Nous avons estimé, sur la base d’une recherche effectuée en 2006, à 12M$ les besoins pour les OSBL, tandis que le Regroupement des offices d’habitation évaluait les besoins à 5M$ pour les OH en 2003 (source ROHQ).
Notre bilan nous a aussi permis de constater que les OSBL d’habitation avaient reçu la partie congrue du financement. Seulement 2,91M$ ont été destiné à des OSBL, soit 24 % de l’objectif, contre 6,8M$ aux offices d’habitation, soit 138 % de l’objectif.
Les enjeux de l’application de Cadre
Est-ce bien du soutien communautaire dont il question ici? Le cadre donne une définition du soutien communautaire, mais le concept n’est pas maîtrisé également par tous et les dérives sont possibles (et probables).
Est-ce bien de logement permanent dont on parle? La liste des projets financés comporte plusieurs organismes qui font de l’hébergement ou qui offrent des logements de transition. Des vérifications plus poussées s’imposent.
Y a-t-il des concertations régionales? Le Cadre propose la mise en place de concertations régionales habitation-santé autour de sa mise en oeuvre. Peu de régions ont, pour l’instant, répondu à l’appel.
En terminant, la Politique vieillir et vivre ensemble, adoptée en mai 2012 par le gouvernement du Québec, prévoit bonifier l’appui au soutien communautaire en logement social en y consacrant une somme de 3M$. Assisterons-nous aux mêmes dérives qu’en 2007?