10 mai 2017

Votre organisme dispose-t-il d’une politique sur l’utilisation des outils technologiques?

Avec l’explosion et la popularité grandissante des réseaux sociaux, les ordinateurs, téléphones intelligents et tablettes prennent de plus en plus de place dans nos vies. Certains diront qu’ils en prennent beaucoup trop, mais personne n’ose imaginer un retour en arrière. Ce phénomène quasi universel, on le constate aussi dans les organismes communautaires d’habitation. Quels enjeux leur utilisation pose-t-elle pour les gestionnaires, les employés, les administrateurs et les locataires ?

« Pour le meilleur, ces appareils sont de formidables outils de communication, de partage, de réseautage et de solidarité, explique Jacques Beaudoin, responsable de la recherche et de la formation au RQOH. Et pour le pire, leur utilisation massive, combinée à l’expansion des réseaux sociaux, facilite la propagation de rumeurs et de fausses nouvelles, comme on l’a d’ailleurs vu à l’occasion de la récente campagne présidentielle chez nos voisins du Sud. » Il est clair que la portée et la rapidité avec laquelle les informations circulent peuvent avoir pour effet d’aggraver certains conflits, parfois de façon exponentielle. Aussi, l’utilisation des outils technologiques peut devenir une source de distraction ou entraîner des pertes de temps.

« Bref, les gestionnaires devraient prendre la mesure de l’importante source de litiges que cela peut entrainer, dont certains se rendront même jusque devant les tribunaux, recommande M. Beaudoin. Comme organismes, les OSBL d’habitation partagent certaines responsabilités à cet égard, que ce soit comme employeurs, locateurs, ou encore comme exploitants d’une résidence pour aînés certifiée. » La plupart des organismes possèdent eux-mêmes certains outils technologiques, qu’ils mettent à la disposition de leurs gestionnaires, employés, administrateurs et parfois leurs locataires. Ces outils sont d’abord utilisés à des fins professionnelles, mais ils le sont peut-être aussi à des fins personnelles… avec ou sans la permission de l’organisme.

« Les employés et bénévoles de notre OSBL amènent leurs appareils personnels avec eux, indique une gestionnaire d’OSBL d’habitation en Montérégie, souvent c’est utile pour nos activités sociales. Mais parfois, c’est vrai que ça les distrait et les services s’en ressentent. » Rappelons qu’en tant que locateur, l’organisme s’est engagé auprès de ses locataires à leur délivrer un bien et dans certains cas des services (repas, loisirs, assistance personnelle, etc.); le phénomène du cyberflânage, par exemple, peut affecter sa capacité de remplir ses engagements.

Et encore, on pourrait se poser la question : la responsabilité de l’organisme – et de ses préposés – s’arrête-t-elle aux portes de l’immeuble? Qu’en est-il lorsqu’un employé ou une administratrice utilise son propre appareil, sur son temps personnel et en dehors des locaux de l’organisme? Est-on certain, dans ce cas, que son activité « virtuelle » n’a rien à voir avec l’organisme? Voici quelques éléments de réponses.

Les organismes, responsables au-delà des portes de l’immeuble ?

« Je suis “ami Facebook” avec un des salariés, raconte l’administrateur d’un OSBL d’habitation. Mais récemment, j’ai vu qu’il insultait, sur son mur, une de ses collègues… Qu’est-ce que je suis censé faire ? »

Comme employeur, l’organisme est tenu d’assurer à l’ensemble de ses salariés un milieu de travail exempt de harcèlement; cela vaut aussi pour le cyberharcèlement. « À cet égard, la notion de “milieu de travail” doit être interprétée largement et ne s’arrête pas obligatoirement aux portes de l’immeuble, répond M. Beaudoin. Ainsi, les faits et gestes posés par un salarié et qui ont un lien direct avec la vie de l’organisme concernent ce dernier, même s’ils sont survenus en dehors du lieu de travail ou ont été posés avec ses appareils personnels. » On peut penser également que des gestes comme des propos offensants ou la propagation de rumeurs non fondées, même s’ils ont été commis hors travail, peuvent néanmoins porter atteinte à l’image et la réputation de l’organisme.

Qu’en est-il, maintenant, si une situation similaire survenait, mais qu’elle implique des locataires?  « Le comité de locataires a créé un groupe Facebook, relate l’administratrice d’un OSBL du Bas-Saint-Laurent, comme moyen d’échanger des informations, de partager des offres et des demandes d’entraide entre locataires, etc. Mais certains locataires ont dernièrement publié des affaires insultantes et dénigrantes contre un de leurs voisins, qui est aussi membre du groupe. Est-ce qu’on doit intervenir ? » « Oui ! répond le responsable de la formation. À première vue, on aura tendance à penser que cela ne concerne pas directement l’organisme. Mais cette forme de harcèlement sur une plateforme virtuelle est-elle si différente que si elle se produisait dans les corridors ou la salle communautaire de l’immeuble ou si elle se manifestait par des troubles de voisinage ou des “mauvais coups” répétés visant à stigmatiser la victime? »

« Mes statuts Facebook, publics ou privés? »
Bien des gens ont l’impression que ce qu’ils publient sur leur compte Facebook ne regarde qu’eux – et leurs « amis ». Or, c’est moins souvent le cas que ce que l’on a tendance à penser. De toute évidence, si vos paramètres de publication sont publics, la question ne se pose pas : vos statuts le sont aussi. Si, au contraire, vos paramètres de publication sont privés (ex. : seuls vos « amis » peuvent voir ce que vous publiez), la question exigera une analyse plus poussée. On tiendra compte, notamment, du nombre d’amis que vous avez; ainsi, si vous êtes populaire et en avez quelques milliers, on aura tendance à considérer vos publications comme étant de nature publique, même si leur accès est restreint. Dans le même esprit, si vous n’avez qu’un petit nombre d’amis, mais qu’il s’avère que vous n’effectuez aucune discrimination et acceptez automatiquement toute demande d’amitié qui vous est acheminée, il est probable que vos publications soient également considérées comme étant publiques.

Des défis à encadrer

Les exemples précédents montrent bien que tout n’est pas simple au royaume des réseaux sociaux… « Il ne faut pas non plus partir en peur et interdire toute utilisation des outils technologiques et des réseaux sociaux, précise M. Beaudoin, et encore moins de se lancer dans une surveillance tous azimuts des activités de tout un chacun, ce qui serait tout aussi dommageable. »

Rappelons que toute personne a droit au respect de sa vie privée; ce droit est notamment inscrit à l’article 5 de la Charte des droits et libertés de la personne. « Intercepter volontairement une communication privée ou surveiller la vie privée d’une personne par quelque moyen que ce soit peut dans certaines circonstances être considéré comme une atteinte à la vie privée » insiste-t-il.

En outre, la liberté d’expression s’avère un droit fondamental dans une société démocratique. Ce droit est valable aussi dans les milieux de travail, au même titre que le droit à des conditions de travail justes et raisonnables; les salariés doivent pouvoir s’exprimer librement, en particulier sur les questions qui touchent leurs conditions de travail. Toute critique n’équivaut pas à une atteinte à la réputation; elle peut être aussi une opportunité d’amélioration et de transformation pour l’organisation.

Cela dit, les défis posés par les outils technologiques sont suffisamment complexes pour mériter qu’on en balise l’utilisation. « Nous, explique le président d’un OSBL d’habitation, nous avons adopté une politique d’utilisation des réseaux sociaux et des appareils technologiques en général, en s’appuyant sur notre mission et nos principes de respect, d’autonomie et de non-discrimination. »

Pour soutenir les organismes, le service de recherche et de formation du RQOH met à la disposition des fédérations régionales et OSBL d’habitation une courte formation de 90 minutes intitulée « Gérer l’utilisation des outils technologiques par les salariés des OSBL d’habitation ». N’hésitez pas à vous prévaloir de cet apprentissage désormais incontournable!