Un récent sondage mené par la FOHM indiquait que 50 % de ses membres souhaitaient développer un nouveau projet d’habitation au cours de l’année. Or, le manque de financement a été désigné comme l’obstacle principal à la concrétisation des projets. Afin de proposer des avenues au gouvernement du Québec et comparer les modèles de développement, la fédération a voulu comprendre les composantes de réussite de plusieurs pays européens.
Grâce à une contribution de la SHQ, la consultante Marie-Sophie Banville, M. URB., s’est penchée sur les modèles de trois pays, dont la proportion de logements sociaux représente en moyenne 20 % du parc résidentiel total.
Elle a ainsi exploré l’architecture des systèmes de financement favorisant une croissance constante du parc de logements sociaux. La France, le Danemark et l’Autriche, dont les systèmes sont jugés comme les plus performants, sont ainsi abordés dans l’étude intitulée Leçons de systèmes de financement du logement social résilients.
L’objectif de la démarche est de mener une réflexion sectorielle sur de nouveaux modèles de financement.
Transférabilité
La France, le Danemark et l’Autriche ont été choisis en raison de la similitude structurelle du parc de logements sociaux. Dans ces pays, les OSBL portent la majorité des projets résidentiels du parc, avec l’aide étatique.
En effet, dans les pays étudiés, le modèle de l’habitation sociale et communautaire est porté par les acteurs de la société civile. Cependant, les cadres fiscaux diffèrent de ceux du Québec.
Les pays étudiés ont une diversité dans l’architecture de financement et une variabilité des performances.
Dans ces pays, les logements sociaux sont en progression stable et continue. Leurs systèmes de financement sont donc considérés comme résilients.
Facteurs de résilience
Les facteurs de résilience sont :
- L’ampleur : diversité des sources de financement et leur arrimage
- La cyclicalité : tendance baissière lors de périodes de récession économique
- La perméabilité : tendance à retenir les capitaux à l’intérieur du système
L’analyse de ces facteurs offre d’autres indicateurs que des chiffres. Ces données qualitatives permettent une analyse plus approfondie des systèmes de financement et de leur efficacité.
Dans le cas de la France, du Danemark et de l’Autriche, les sources de financement sont multiples (ampleur vaste), les investissements sont soutenus même en période de récession (contracyclicité) et les systèmes permettent les réinvestissements (étanchéité) et les fonds renouvelables.
À la suite d’un séjour exploratoire, nous avons abordé la France et le Danemark, mais la lecture de l’étude* nous a permis de dégager d’autres pistes en provenance de l’Autriche.
L’Autriche
Modèle universaliste
En Autriche, une large part de la population se qualifie pour l’obtention d’un logement social.
L’accessibilité à ces logis cause même un peu de grogne, puisque les ménages qui en ont le plus besoin y ont un accès plus limité. Le modèle doit être revu pour éviter ce genre de situation.
Le pays a aussi inclus les principes obligeant à réclamer les coûts réels aux locataires (cost-based rent). Un plafonnement est appliqué et la réelle abordabilité est maintenue.
Mécanismes de fixation des loyers
Les différents mécanismes de fixation des loyers sont basés sur les revenus, le marché, les services, les coûts et le plafond fixé. Aussi, les aides à la personne inutilisées sont réinvesties dans le logement social.
Les quatre modes de financement des logements sont :
1) prêt hypothécaire (institutions, municipalités, banque d’habitation)
2) prêt public (employeur, municipalités, fonds renouvelables)
3) équité propre (rendement, loyers de base, fonds autorenouvelables)
4) locataires (mise de fonds remboursable)
Acteurs du logement social
Les deux catégories d’acteurs du logement social sont les organismes municipaux et l’Association d’habitation à profit limité (LPHA-AHPL).
Cette association regroupe 185 organismes membres, qui détiennent environ 4000 unités d’habitation. Ce réseau national impose un cadre réglementaire strict qui en assure le succès et la pérennité.
Les LPHA ont un modèle rigide. Par exemple, les banques de construction ont trois ans pour débourser les fonds dégagés, ce qui permet une cadence constante.
Il y a ainsi une saine gestion des comptes, ce qui maintient la confiance des prêteurs. Aussi, l’équité dégagée au terme de la convention d’exploitation est redistribuée, ce qui assure la présence de fonds en permanence.
Il n’y a d’ailleurs aucune structure de garantie gouvernementale. Celle-ci est implicite grâce à d’autres éléments du modèle de financement.
La ventilation des sources de financement est parmi les plus équilibrées. Cela répartit ainsi le risque et réduit la dépendance à une source de financement majeur.
Prêts hypothécaires
Beaucoup de fonds proviennent de ventes de titres obligataires convertibles en capital pour la construction. Ce capital est au service du logement social. Ces produits d’épargne sont populaires en raison des allégements fiscaux consentis par l’État autrichien.
Les Housing construction convertible bonds (HCCB) favorisent ainsi la stabilité générale des taux, et plus généralement, de l’économie globale. Les obligations peuvent également être converties en actions ; la banque offre alors des dividendes aux détenteurs.
Changement d’échelle
En définitive, suggère l’étude, afin de doubler le parc de logements sans but lucratif, un changement de paradigme s’impose en matière de financement. Nous devons faire preuve d’ouverture en nous inspirant de pratiques pérennes pour répondre aux besoins impérieux des ménages.