Un communiqué de presse pour diffusion immédiate [Montréal, le 6 mai 2020] Depuis le début de la pandémie, les autorités québécoises ont essentiellement sous-estimé les besoins d’un secteur qu’elles ont pourtant elles-mêmes jugé « essentiel » : celui du logement communautaire. « Les deux mois qui viennent de s’écouler ont été très difficiles pour les OSBL d’habitation, dit Chantal Desfossés, directrice générale du RQOH, et l’allègement de certaines mesures de confinement implique de nombreux défis, dont les coûts humains et économiques pourraient être lourds. Il importe avant tout que ce ne soit pas les personnes les plus à risque de notre société qui en paient le prix. »
Les 1200 OSBL d’habitation partout au Québec procurent un logement abordable et sécuritaire à des ménages à faible revenu ou en situation de vulnérabilité. Que ce soit l’offre de logements abordables à des personnes âgées autonomes ou semi-autonomes, habitant des résidences privées pour aînés certifiées ou pour le plus grand nombre non certifiées, des personnes seules, des familles monoparentales ou non, des femmes et des enfants victimes de violence, des jeunes en difficultés, des personnes itinérantes ou judiciarisées, des personnes vivant avec des problèmes de santé physique, de santé mentale, voire même présentant une déficience intellectuelle ou un trouble du spectre de l’autisme, la variété des clientèles desservies par les OSBL d’habitation témoigne de tout le spectre des réalités des personnes qui comptent parmi les plus vulnérables de notre société.
Les OSBL d’habitation n’ont ménagé aucun effort afin de mettre en place les mesures de protection recommandées par les autorités de santé publique, et ce, malgré le peu de moyens dont ils disposent. « Tous nos canaux de communications ont été utilisés auprès de la Société d’habitation du Québec, du ministère des Affaires municipales et de l’Habitation et du ministère de la Santé et des Services sociaux, mais les autorités tardent à répondre aux impacts de la pandémie sur les ressources humaines, matérielles et financières de nos groupes », a déclaré Mme Desfossés.
Afin de mesurer les impacts de la pandémie sur ses membres, le RQOH a mené en avril une enquête auprès de 358 OSBL d’habitation, un échantillon représentant 23 819 unités locatives, soit 43 % du parc de logements communautaires au Québec, estimé à 55 000 unités. Le sondage réalisé permet de faire connaître les premiers impacts de la pandémie de la COVID-19 sur les OSBL d’habitation du Québec, de mettre en relief l’importance de les soutenir adéquatement et de mieux coordonner l’aide d’urgence afin de répondre aux besoins les plus pressants et, ainsi, éviter d’échapper les personnes les plus vulnérables de notre société.
La pandémie de la COVID-19 a frappé de plein fouet les OSBL d’habitation sur plusieurs aspects de leur fonctionnement. Au niveau des ressources humaines, plus du quart des répondants (28 %) déclarent du personnel en arrêt de travail. Considérant que les OSBL d’habitation sont, individuellement, de petites organisations, l’absence d’un ou deux employés peut avoir des conséquences importantes sur leur fonctionnement et peut entraîner une surcharge de travail sur ceux et celles qui restent au front. Pas étonnant que 26 % des répondants soient en recrutement de main-d’œuvre. Cependant, comme c’est souvent le cas dans le secteur communautaire, les modestes conditions de travail placent les OSBL d’habitation en situation de faiblesse pour le recrutement d’employés, notamment pour les postes en situation de rareté comme ceux de préposés aux bénéficiaires. D’autant plus que, jusqu’à présent, la quasi-totalité des employés des OSBL d’habitation n’a pas accès aux bonifications salariales offertes dans certains milieux, malgré que plusieurs travaillent en services essentiels comparables.
Le sondage réalisé révèle également que 77,5 % des répondants ont dû faire face à des coûts supplémentaires dès le premier mois de la crise sanitaire. Ces surcoûts, qui touchent principalement les ressources humaines et matérielles, sont estimés en moyenne à plus 11 000 $ par mois par organisme, ce qui représente une surcharge de 165 $ par unité de logement. Plus de la moitié des répondants signalent aussi des difficultés d’approvisionnement en produits désinfectants et en matériel de protection individuelle. Extrapolés à l’ensemble des OSBL d’habitation du Québec, ces coûts supplémentaires pourraient s’élever à plus de 10M $ par mois. S’ajoutent des pertes de revenus, signalées par 41% des répondants, provenant d’activités suspendues, de pertes locatives devant l’incapacité de louer des loyers vacants, de non-paiement de loyers et d’activités de collecte de fonds annulées. Estimées à plus de 8 500 $/mois par organisme, soit près de 77 $ par unité de logement, ces pertes de revenus pourraient se chiffrer à plus de 4 M$ pour l’ensemble des OSBL d’habitation. Pas étonnant de constater que plusieurs organismes, 12 % des répondants au sondage, ont dit craindre un manque de liquidités d’ici un mois.
L’annonce d’un « déconfinement » progressif et contrôlé dans les milieux de vie pour aînés est un nouvel exemple des difficultés causées par la non-prise en compte de la réalité de nos groupes, ajoute la directrice générale du RQOH. « Qui donnera aux OSBL d’habitation pour aînés n’ayant pas le statut d’une RPA les moyens de contrôler les allées et venues des résidents désormais autorisés à sortir sans supervision, comme on leur demande de le faire? »
Il ressort que les mesures d’aide mises en place par les gouvernements depuis le début de la pandémie sont peu adaptées au secteur du logement social et communautaire. « Nos gens sont au front quotidiennement, ils sont à court de moyens, confrontés au labyrinthe des instances gouvernementales et accablés par l’inadéquation des mesures offertes. Beaucoup passent sous le radar et redoutent de tomber entre les craques du secours public », de conclure Chantal Desfossés.
Portrait des impacts de la pandémie de covid-19 sur les OSBL d’habitation du Québec