En mars, le RQOH a réagi de manière plutôt favorable aux mesures contenues dans les budgets du Canada et du Québec. La poussière étant retombée, permettons-nous de tirer quelques conclusions et de dégager des perspectives.

En dépit du fait qu’à Ottawa les 11,2 milliards annoncés sont répartis sur une trop longue période, le budget comporte quatre gains importants : 1) le gouvernement fédéral reconnaît sa responsabilité dans le développement du logement social; 2) il investit directement des fonds dans la construction (au-delà de sommes supplémentaires qu’il transfère aux provinces); 3) il protège les locataires des logements du parc des OSBL fédéraux en maintenant l’aide au paiement de leur loyer; 4) il annonce un mécanisme de « facilités de crédit » dont nous réclamions la mise en œuvre et dont l’effet levier pourrait mettre à la disposition des groupes plusieurs milliards de dollars supplémentaires.

Maintenant qu’est reconnu le principe de la responsabilité d’Ottawa dans le domaine du logement social, il devrait être plus aisé de mener la bataille sur les moyens. Aussi le RQOH travaille d’ores et déjà à ce que ces engagements se concrétisent dans la Stratégie canadienne sur le logement promise d’ici 2018. Le retard cumulé par 25 ans d’inertie fédérale a laissé un important gâchis[1] : la somme de 11,2 milliards $ sur 11 ans pour l’ensemble du Canada est nettement insuffisante. Budget après budget, il faudra argumenter en faveur de la bonification de l’enveloppe consacrée au logement communautaire pour faire le ménage et rétablir la situation. Pour définir comment, à qui et à quelles conditions l’argent annoncé sera distribué, une étape cruciale, le ministre Duclos et la SCHL, responsables du dossier à Ottawa, ont dit vouloir collaborer avec les groupes tels que le RQOH et l’ACHRU. Les 24 mois qui ont précédé le dernier budget nous encouragent à accorder une grande crédibilité à cette annonce.

À Québec, après deux ans où l’avenir du logement social était remis en question, le ministre Leitão a annoncé en mars le retour à l’objectif de construction de 3 000 nouveaux logements par année, en ramenant le financement du programme AccèsLogis à 255 millions $ (au lieu des 127 millions de $ de 2015 et de 2016). Reste que ce programme est toujours aux prises avec ses problèmes (budgets de réalisation et d’exploitation insuffisants, fragilité des suppléments aux loyer des locataires les plus pauvres, contribution au Fonds québécois d’habitation communautaire, etc.) et qu’il faudra bien les régler un jour, et le plus tôt sera le mieux.

Annonçant un changement de cap important, le ministre Coiteux fait savoir que l’habitation deviendra un enjeu prioritaire pour lui et son gouvernement. À la suite des consultations régionales menées par son adjoint parlementaire et député de la Côte-Sud, Norbert Morin, et le congédiement du PDG de la SHQ nommé par son prédécesseur M. Moreau, monsieur Coiteux poursuit la reprise en main du dossier en nous conviant à une « table d’experts » destinée à redéfinir les programmes et l’action gouvernementale en habitation. C’est de bon augure.

Si le ciel s’éclaircit, et que les politiciens semblent prendre conscience de l’importance d’agir en matière d’habitation, le mérite en revient d’abord aux OSBL d’habitation locaux, à leurs fédérations régionales et à nos partenaires du monde de l’habitation communautaire qui ont fait cause commune. Les résultats de cet excellent travail d’étude, d’argumentation, d’information et de représentation démontrent encore une fois que c’est l’action et la mobilisation qui permettent de faire des gains. Une leçon à retenir puisqu’il reste encore bien des batailles à mener avant que le droit à un logement décent pour tous et toutes soit une réalité.

[1] Cette période, marquée par la croissance de la population de même que par l’explosion des prix sur le marché immobilier, a vu le logement communautaire passer de 10 % du parc immobilier à 3,7 % au Canada.