À l’échelle canadienne, ce sont plus de 365 000 logements sociaux dont l’existence est menacée, à mesure que les accords d’exploitation en vertu desquels ils ont été créés arriveront à échéance. D’ici la fin de 2016, quelque 3000 unités de logement en OSBL seront touchées par la fin de la contribution fédérale au Québec. Sans financement, plusieurs de ces OSBL d’habitation auront des choix très difficiles à faire. Assurer la pérennité du parc de logement social et communautaire représente aussi un enjeu pour le gouvernement québécois, dont les élus doivent se saisir.
Jusqu’au milieu des années 1990, le gouvernement fédéral a largement appuyé le développement du logement social et communautaire. Plusieurs programmes de financement ont alors été mis en place. Dépendant du programme, l’aide a pris la forme de prêts hypothécaires à taux réduits, de subventions pour combler le déficit d’exploitation ou encore de subventions individualisées permettant à certains locataires de payer un loyer ajusté à leur revenu.
Les coûts des programmes ont parfois été partagés entre le gouvernement fédéral (par l’entremise de la Société canadienne d’hypothèques et de logement) et son homologue québécois (par le biais de la Société d’habitation du Québec). Par exemple, les projets réalisés dans le cadre du Programme sans but lucratif-privé (PSBL-P) entre 1986 et 1994 sont administrés par la SHQ, mais leur financement est partagé entre le fédéral (75 %) et le provincial (25 %).
Pour pouvoir bénéficier de ces programmes, les organismes promoteurs devaient signer un contrat avec la SCHL (ou dans certains cas la SHQ), qui prévoyait notamment la part du financement gouvernemental et les obligations des parties signataires (taux de logements subventionnés, mécanismes de reddition de compte, etc.). Ce sont ces ententes que l’on appelle les « conventions d’exploitation ». Elles ont une durée de 25 à 50 ans, selon le programme, équivalant généralement à la période de remboursement de l’hypothèque.
Depuis 1994, le gouvernement fédéral a amorcé son retrait du financement du logement social. Depuis, il s’en tient pour l’essentiel au respect des engagements pris en vertu des conventions signées antérieurement. Aujourd’hui, ces conventions arrivent à échéance, si ce n’est pas déjà fait et aucun nouveau programme n’a été mis en place pour garantir la pérennité des projets existants.
La fin des conventions d’exploitation implique la fin :
Sur les 600 000 unités de logement social qui ont été subventionnées par le gouvernement fédéral, on évalue à plus de 365 000 le nombre de ménages à faible revenu dont le loyer est subventionné, à risque de perdre leur logement avec la fin des conventions et du financement qui y est rattaché. Au Québec, ce sont plus de 125 000 unités de logement social (HLM, coops et OSBL) qui sont touchées par les fins de convention.
Une fois la convention échue, les organismes doivent assumer à la fois leurs dépenses de fonctionnement et les travaux d’entretien et de rénovation, mais aussi dégager un surplus s’ils veulent maintenir les loyers ajustés pour les ménages à faible revenu. Si certains organismes en auront la capacité, d’autres se verront obligés d’augmenter considérablement les loyers.
La situation est particulièrement préoccupante pour les organismes qui comptent une grande proportion de logements subventionnés, comme c’est le cas dans les projets du PSBL-P. Une enquête réalisée en 2014 par le RQOH indique que qu’une forte majorité d’entre eux n’auront pas la capacité de maintenir les loyers réduits pour leurs locataires à faible revenu. Pour plusieurs, qui seront dans l’impossibilité de payer leur loyer, cela aura des conséquences dramatiques. De plus, cela signifiera une baisse drastique du nombre d’unités de logement abordable disponibles pour les générations futures.
La capacité de procéder aux rénovations et aux travaux de mise à niveau inévitables pour des immeubles construits il y a 35, et parfois même 50 ans, représente un autre défi de viabilité pour les organismes dont les projets arrivent en fin de convention. Les réserves de remplacement immobilières sont généralement insuffisantes et les organismes qui se trouveront en déficit d’exploitation seront incapables de se refinancer.
La SHQ s’est engagée, en avril 2012, à prendre toutes les mesures nécessaires pour éviter que des ménages à faible revenu soient placés en situation de vulnérabilité. En 2013, le gouvernement québécois a notamment annoncé la mise en place du Programme spécial de supplément au loyer (PSS), qui prévoit l’octroi de subventions aux ménages à faible revenu bénéficiant déjà d’un supplément au loyer, qui y sont toujours admissibles et dont le versement de la subvention fédérale a pris ou prendra fin entre les mois de janvier 2013 et mars 2018. Pour ces ménages, l’abordabilité du logement sera donc protégée ; toutefois, en cas de départ d’un ménage admissible, l’unité de logement visée cessera d’être ainsi désignée.
De plus, le gouvernement québécois a prévu, dans son dernier budget, une mesure d’aide financière spéciale de 6 millions $ sur deux ans, pour soutenir les organismes qui seront affectés par la fin des subventions d’aide au paiement du loyer accordées directement par le SCHL à certains locataires dans le cadre du programme d’aide ajustée au contrôle du revenu (AACR). L’aide représentera 75 % du niveau d’aide accordé dans le cadre de ce programme. Il s’agit là d’un effort appréciable, à court terme, qui témoigne de l’engagement du Québec envers le logement abordable.
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