Couverture du rapport du Conseil national du logement sur la co-création d'un logement suffisant

1 février 2024

Co-créer le droit à un logement suffisant : manuel d’instructions

Un rapport commandé par le Conseil national du logement (CNL) et réalisé grâce à l’appui de SHS Consulting et de SHIFT Collaborative défend des initiatives en faveur du droit à un logement suffisant au pays. 

Le CNL est un organisme consultatif qui valorise la participation et l’inclusion dans l’élaboration de la politique sur le logement. Il a pour mission de favoriser la réussite de la Stratégie nationale sur le logement et d’améliorer les conditions de logement de tous les Canadiens. 

La publication du document, intitulé Co-créer le droit à un logement suffisant au Canada, marque la première étape de mobilisation en vue d’une action collective en faveur du droit au logement pour l’ensemble des citoyens. 

Le rapport émet des constats et des recommandations exploitables par le gouvernement canadien.  

 

Réflexion sur la crise de l’habitation 

La réalisation du droit au logement s’inscrit comme l’un des principaux défis de notre époque.  

Il s’agit d’une priorité pour le bien-être socio-économique. Les besoins sont énormes et l’itinérance a un coût social considérable.  

La reconnaissance du droit au logement dans la Stratégie nationale sur le logement (SNL) n’a pas porté fruit et il faut prendre des mesures pour que la situation cesse de se détériorer.   

Il devient urgent de résoudre les problèmes actuels, et pour ce faire, il est impératif d’adopter un système résilient et une vision à long terme. 

Une approche fondée sur les droits de la personne 

Face aux lacunes rencontrées dans la démarche de la SNL, notamment l’absence de mécanismes de mise en œuvre, le rapport recommande une approche fondée sur les droits de la personne. Cela permettrait de contrer les inégalités, de favoriser l’inclusion et de soutenir les collectivités durables.  

Sans perdre de vue les défis actuels, le document met de l’avant une vision commune et à long terme. Il propose une avenue innovante en vue de la transition. 

Ainsi, il valorise un changement en profondeur, en misant sur les éléments sous-jacents aux actions visibles et sur les expériences vécues (en surface).  

Selon les auteurs, pour opérer un changement en profondeur, il faut s’attaquer à la dynamique sous la surface apparente en repensant la base : nos façons de travailler, nos rôles, relations, mentalités et normes culturelles. Cela aura pour effet de solidifier les actions en surface (programmes, politiques, financement).  

Éléments essentiels à l’écosystème 

Pour atteindre l’objectif fixé, le rapport identifie quatre éléments essentiels à l’écosystème proposé, soit : 

  • Leadership et responsabilité du gouvernement fédéral;
  • Compréhension et sensibilisation;
  • Relations et collaboration;
  • Changement des normes culturelles et des mentalités.

Selon les recommandations du rapport, le gouvernement fédéral devrait déployer des structures claires et s’assurer de la compréhension du rôle de chacun des acteurs impliqués dans le changement.  

Un langage commun doit aussi se dégager de la notion de droit humain à un logement suffisant.  

Les acteurs de la société civile gagneraient à se voir déléguer de nouvelles responsabilités, tout comme les gens ayant l’expérience vécue, qui pourraient sensibiliser la population au droit au logement grâce à des témoignages concrets. 

La démarche doit s’inscrire dans un cadre national de mise en œuvre déployé en co-construction. 

Il faut également s’assurer de changer les mentalités en déconstruisant les idées reçues sur le droit au logement. 

Recommandations de base  

Le rapport met en exergue cinq recommandations de base, auxquelles viennent se greffer huit pistes de solution – présentées plus loin – afin de concrétiser les actions à entreprendre.  

En bref, les recommandations se déclinent comme suit : 

  • Leadership et clarté quant aux responsabilités gouvernementales et aux structures fédérales;
  • Processus distinct pour les Autochtones, dans une optique d’autodétermination, tout en maintenant les mêmes obligations gouvernementales;
  • Compréhension et prise de conscience nationale, avec le fédéral au front;
  • Cadre coordonné et intégré de mise en œuvre, parallèlement à la mise à jour de la Stratégie nationale sur le logement;
  • Mesure des progrès accomplis et reddition de comptes aux citoyens.

Quelques notions 

En vertu de l’article 2 (1) du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, les États s’engagent à agir au maximum de leurs ressources disponibles, en vue d’assurer progressivement le plein exercice des droits reconnus dans le pacte.  

Selon l’article 11.1, « Les États Parties […] reconnaissent le droit de toute personne à un niveau de vie suffisant pour elle-même et sa famille, y compris une nourriture, un vêtement et un logement suffisants, ainsi qu’à une amélioration constante de ses conditions d’existence ». 

 

Définitions  

Par définition, un logement suffisant devrait être sécuritaire, permettre la paix et la dignité. Il doit aussi tenir compte de certains impératifs de qualité.  

Selon les Nations unies, pour être adéquat, le logement doit répondre aux critères suivants : 

  • Accessibilité
  • Abordabilité
  • Habitabilité
  • Durabilité
  • Localisation
  • Adéquation culturelle
  • Sécurité d’occupation
  • Disponibilités des services, du matériel, des installations et infrastructures

Ainsi, l’approche mise de l’avant dans le document s’appuie sur les normes internationales en matière de droits humains/de la personne.  

Le rapport rappelle que la loi sur la SNL (2019) donne au gouvernement des obligations positives en matière de droit au logement.  

En effet, les obligations étatiques ne concernent pas le droit individuel à un logement, mais plutôt le déploiement de tous les moyens pour assurer ce droit au plus grand nombre. 

Il importe donc de définir des normes en matière de droits de l’homme. Cela nécessite un profond changement de mentalité afin qu’il soit respecté de façon durable et significative.  

Le CNL propose ainsi au gouvernement d’établir un cadre dont l’approche serait basée sur les droits de l’homme, des normes, pour lesquelles les mêmes principes seraient appliqués, et des processus permettant la réalisation progressive du droit au logement. 

 

Vers le droit à un logement suffisant  

Parmi les impératifs incontournables de la réalisation du scénario envisagé, une approche participative est impérative. La discrimination systémique et les inégalités socioéconomiques doivent être endiguées et tous les citoyens doivent avoir accès à la justice. Il importe également de s’assurer que les détenteurs d’obligations soient tenus de respecter les droits fondamentaux. 

 

Proposition d’un avenir alternatif 

Dans la vision des résultats escomptés, les citoyens pourraient avoir un toit qui leur procure paix et dignité. Ils auraient le choix du lieu et le contrôle des paramètres de leurs conditions d’habitation. Ils pourraient développer un sentiment d’appartenance, entrevoir des possibilités et de l’espoir. Ils auraient également suffisamment d’options de logements et évolueraient dans des communautés saines et inclusives leur offrant du soutien.  

 

Critères de réussite  

Pour assurer le droit à un logement suffisant, les solutions à mettre en œuvre doivent ainsi tenir compte de tous plusieurs paramètres, notamment l’égalité, la non-discrimination, l’autodétermination, la dignité et la sécurité.  

Il importe de réfléchir socialement à la tension entre profits et droits humains et de se pencher sur les implications juridiques d’une telle démarche.   

Pour combler le décalage entre la reconnaissance et la réalisation du droit au logement, il est essentiel de s’attaquer aux inégalités systémiques. 

 

Vision d’avenir 

Les auteurs du document présentent un aperçu de l’avenir dans une société où le droit à un logement suffisant serait pleinement reconnu. 

Cette vision positive de l’avenir inclurait notamment : 

  • Une imputabilité des détenteurs d’obligations et de responsabilités
  • Un plan d’action audacieux pris au sérieux
  • La protection juridique des locataires
  • Une terminologie, une vision et une compréhension commune
  • Des activités de sensibilisation
  • Un dialogue accessible sur la notion de droit à un logement suffisant
  • Des canaux directs avec le gouvernement fédéral
  • La démocratisation des décisions
  • Des objectifs communs
  • Des stratégies cohérentes
  • Une priorité accordée aux personnes démunies
  • Une confiance entre les responsables et les détenteurs de droits
  • Une approche concertée misant sur l’expérience vécue
  • Un changement systémique (cocréation plutôt que le système ascendant)
  • La reconnaissance du droit au logement comme un droit fondamental
  • La révision des politiques et des programmes vers un changement culturel
  • Le changement de mentalité en faveur de la culture des droits humains
  • La considération de l’expérience vécue
  • Le soutien financier aux promoteurs sans but lucratif
  • La responsabilisation collective

Le rapport fait état de signes encourageants dans les quatre éléments de l’écosystème. Par exemple, la création du Bureau du défenseur fédéral du logement est un signal de l’ouverture gouvernementale à l’amélioration des conditions d’habitation de ses citoyens. 

 

Pistes de solution proposées

Afin d’opérer le changement en profondeur souhaité, il convient de mettre en place des solutions pratiques et réalistes. Aussi, le rapport met de l’avant huit pistes de solution collectives incluant une feuille de route chacune. 

  1. Démonstration du leadership gouvernemental par des directives claires sur l’urgence d’agir, l’adoption d’un changement de discours et le déploiement d’instances solides et pérennes
  2. Cadre coordonné de mise en œuvre d’une approche fondée sur les droits de l’homme comprenant la notion de responsabilité collective et la coordination des stratégies
  3. Développement d’une compréhension nationale commune et renforcement des capacités pratiques
  4. Sensibilisation, éducation et dialogue par le biais d’une campagne nationale
  5. Investissements financiers et humains et renforcement du rôle des acteurs de la société civile
  6. Initiative multilatérale visant à aligner et à prendre les mesures collectives pour établir la responsabilité gouvernementale et contrer la division
  7. Partenariats et investissements vers une bonification de la part de logements hors marché
  8. Rassemblements multisectoriels de cocréation et gestion de l’action collective

Le rapport mise sur une approche globale de décloisonnement adaptée au contexte local.  

Il valorise une culture de collaboration, des tables trilatérales (fédéral, provincial, municipal) et multisectorielles, de même que des transferts fédéraux démographiquement proportionnels, comme en matière de santé.  

Il rêve d’une culture dans laquelle les détendeurs de responsabilités assument les risques et où le secteur hors marché côtoie le privé.  

 

Conclusion ouverte  

En définitive, le rapport défend une collaboration pancanadienne et recommande un plus grand leadership du gouvernement fédéral en matière d’accès à un logement suffisant. 

La création d’une base solide ne doit pas freiner les efforts entamés, mais s’impose pour permettre une transformation profonde.  

Les auteurs indiquent finalement qu’une forte majorité de Canadiens considèrent le logement comme un droit fondamental. Ils espèrent donc que leurs recommandations apportent des changements positifs.