DOSSIER

PÉRENNITÉ DU LOGEMENT COMMUNAUTAIRE

Dans le milieu de l’habitation comme dans la société en général, la tendance naturelle est de se concentrer sur la nouveauté et le développement. L’ennui, c’est que l’on néglige souvent la pérennité des projets ; pourtant ceux-ci n’ont de sens que s’ils s’inscrivent dans la durée.

Nos immeubles sont là pour offrir des services de manière perpétuelle. Au Québec, certains projets d’OSBL d’habitation ont aujourd’hui plus de 100 ans. Il faut absolument que l’essentiel de ce que nous avons construit depuis 25 ans puisse au moins atteindre cette marque !

Trois thèmes doivent être considérés pour garantir la survie d’un projet d’habitation communautaire: l’aspect matériel, la gouvernance et les finances. Ces enjeux doivent faire partie de la réflexion sur la modernisation de l’unique programme québécois, AccèsLogis, qui appuie le développement du logement communautaire.

Les problèmes matériels

L’habitation se définit d’abord par un espace physique. Il importe donc dans un premier temps de garantir que les projets développés restent en bon état et bénéficient des soins appropriés pour leur permettre de maximiser leur durée de vie utile et constituer un investissement rentable.

Il existe un très vaste consensus dans le milieu : la manière la plus efficace et la plus économique de préserver un parc immobilier à long terme passe par la réalisation régulière d’un bilan de santé immobilier (BSI) et d’un plan pluriannuel d’intervention (PPI). Ce consensus est tellement fort que le gouvernement a imposé par des lois cette pratique aux copropriétés. Au Québec, à ce jour, les seuls immeubles à propriété collective qui n’ont pas l’obligation de faire de BSI et de PPI sont les OSBL-H construits avec les programmes de la Société d’habitation du Québec. C’est extrêmement surprenant quand on considère que la SHQ en garantit les prêts hypothécaires et que ces garanties s’élèvent à plusieurs milliards de $.

La SHQ ne possède aucun registre de l’état matériel du parc, au contraire des banques qui, lorsqu’elles font des opérations commerciales avec les groupes, exigent un BSI avant d’accorder un prêt hypothécaire. Il faut imposer des BSI et des PPI aux OSBL-H issus des programmes de la SHQ et, puisque les frais des BSI ne sont pas prévus au budget d’exploitation, il faut également fournir un soutien financier pour couvrir les frais engendrés par ces opérations. La prochaine mouture du programme AccèsLogis devra en outre prévoir des budgets d’exploitation suffisants pour les réaliser.

Les problèmes de gouvernance

Les OSBL d’habitation se distinguent du logement public et coopératif par l’ampleur de l’engagement communautaire qu’ils suscitent au sein de la population (10 000 bénévoles à travers le Québec) et par la diversité de l’offre de services spécialisés qu’ils présentent (femmes victimes de violence, familles monoparentales, personnes handicapées, toxicomanes, personnes souffrant d’isolement, etc.). La portée de l’action des OSBL-H dépasse largement l’offre de logements au sens strict.

Bien qu’elle démontre une adéquation entre les besoins du milieu et notre action, la diversité et l’ampleur du mouvement exigent cependant une énergie décuplée pour garantir l’arrimage des exigences propres au monde de l’habitation avec ceux de la mission sociale spécifique de chaque projet. En bref, pour la pérennité des investissements immobiliers consentis par l’État, les communautés et les locataires, il importe de garantir que les OSBL-H bénéficient d’un environnement organisationnel et de ressources adéquates en matière de gouvernance.

Trois types d’intervention pour l’atteinte des standards de gouvernance requis :

La formation

Il importe de s’assurer que chacun des 10 000 gestionnaires et administrateurs impliqués dans nos projets puisse bénéficier de la formation nécessaire pour accomplir correctement les mandats qui lui sont confiés.

En collaboration avec la Commission des partenaires du marché du travail, le RQOH a déjà mis en place des formations de base à l’intention des gestionnaires. Nous souhaitons maintenant lancer un programme de formation complet pour les gestionnaires, salariés et administrateurs. Celui-ci devra entre autres prévoir des moyens pour l’offre de formation, mais aussi garantir que les personnes et les groupes cibles aient accès aux ressources nécessaires pour suivre ces formations.

L’accompagnement

Même avec un programme de formation adéquat, plusieurs groupes seront confrontés à un moment de leur histoire à des défis provoqués par un sinistre, un vice de construction, un manquement administratif, une gouvernance inadéquate ou des erreurs de gestion entraînant des problèmes financiers. En temps de crise, les groupes ont besoin d’un accompagnement particulier, que celle-ci survienne alors qu’ils sont sous convention avec la SHQ ou après. C’est pourquoi nous présentons des éléments de solutions pour les deux périodes.

Puisqu’il s’agit d’une activité qui est au cœur de leur mission, il ne fait pas de doute que les services d’accompagnement doivent être offerts par les fédérations régionales du RQOH et que ces dernières doivent pour cela recevoir un financement conséquent. En outre, nous souhaitons que la SHQ réfère systématiquement les OSBL-H en question aux fédérations afin d’élaborer et mettre en œuvre des mesures de redressement.

Les fédérations régionales sont généralement informées tardivement des situations difficiles. Nous souhaitons que la SHQ réfère les OSBL-H en question systématiquement aux fédérations.

Le RQOH propose également de mettre en place un mécanisme de protection à long terme des immeubles de type OSBL ; nous avons ainsi évoqué la mise sur pied d’une fiducie responsable de protéger les projets au-delà de la phase « conventionnée » de leur existence.

La validation

Complément obligé de la formation et de l’accompagnement, la validation sert à détecter les problèmes avant qu’ils ne fassent surface. Un bon système de validation permet d’ajuster la formation spécifique dont peut avoir besoin un OSBL-H et réduit le nombre et l’ampleur des dossiers qui auront besoin d’accompagnement :

Que le RQOH ait accès aux résultats de suivi des conventions des OSBL-H, afin de permettre aux fédérations régionales d’intervenir de manière proactive auprès des groupes dès les premiers signaux de difficultés.

Que le RQOH assume la gestion des suppléments au loyer (PSL) en OSBL-H. En effet, outre les rapports annuels remis à la SHQ suite à l’audit externe, les demandes de fonds liées aux PSL constituent probablement le meilleur indicateur précoce pour déceler un mauvais fonctionnement administratif.

Les problèmes financiers

Les programmes gouvernementaux d’appui au logement communautaire sont caractérisés par d’importants investissements financiers. Au fil des ans, on peut estimer que l’aspect construction du programme AccèsLogis a représenté à lui seul pour la SHQ des déboursés de plus de 2 milliards $, sans parler des garanties de prêts afférentes. Pour leur part, les dépenses d’intérêts et de PSL sur une période de 35 ans totaliseront plusieurs milliards $ supplémentaires.

Le RQOH veut contribuer de manière constructive à la réflexion et à l’action de la SHQ pour garantir la pérennité financière des projets d’habitation communautaire. Nous suggérons la mise en place de trois mécanismes majeurs pour y arriver.

Un fonds de stabilisation

La SHQ a été amenée au fil des ans à allouer des fonds supplémentaires à un certain nombre d’organismes, notamment pour assurer le maintien en état des bâtiments. Alors qu’un programme mieux conçu favorisera la réalisation de projets viables et pérennes, il restera toujours des situations particulières qui nécessiteront des interventions de sauvetage de la part de la société d’État. La mise sur pied d’un programme de stabilisation du logement communautaire permettrait de faire face à ces situations.

Dans le même esprit, il est plus que temps que les contributions au Fonds québécois d’habitation communautaire, qui totalisent globalement plus de 200 millions de dollars, soient enfin mises à la disposition des contributeurs.

La mutualisation des réserves

Les OSBL-H ont actuellement près de 250 millions $ en réserves. En mutualisant celles-ci, il serait possible d’obtenir de meilleurs rendements. Pris isolément, la majorité des projets ont des réserves insuffisantes et doivent donc conserver cet argent sous une forme liquide ou quasi liquide pour être capables de faire face aux éventuels problèmes (travaux d’urgence, sinistres, vacances imprévues, variation du taux hypothécaire, etc.). Sous cette forme, ces réserves n’offrent pratiquement aucun rendement.

Voilà pourquoi le RQOH a constitué un comité d’experts et s’est associé des spécialistes en matière d’investissement, de placement et de finance afin de mener une démarche d’analyse et de conception d’un véhicule d’épargne mutualisé. Ce nouveau véhicule, auquel l’adhésion demeurera volontaire et qui pourrait être ouvert aux autres composantes du secteur de l’immobilier collectif, est en voie de constitution.

Le RQOH demande à la SHQ, d’une part de rehausser les exigences de contribution à la réserve de remplacement immobilière des futurs projets réalisés en AccèsLogis, qui sont actuellement notoirement inférieures aux bonnes pratiques reconnues en cette matière ; d’autre part, de reconnaître le véhicule d’épargne mutualisé que nous sommes à mettre en place comme un véhicule de placement autorisé par le programme ACL.

La mise en valeur des actifs

Les investissements consacrés au développement des immeubles enrichissent la collectivité et constituent un actif collectif important. Pourtant, rien dans les différents programmes de la SHQ ne permet de mettre en valeur l’aspect financier des actifs développés avec ces investissements.

Aujourd’hui, les OSBL-H ne peuvent pas lever de fonds supplémentaires en mettant leurs immeubles en garantie tant que la convention qui les lie à la SHQ n’est pas expirée. Pourtant, pendant les 15 dernières années de cette convention, l’hypothèque garantie par la SHQ représente moins de 50 % de la valeur et même moins de 5 % les deux dernières années. Cela veut donc dire que pendant 15 ans, la convention actuelle empêche les groupes d’utiliser leur avoir propre (l’équité) pour financer des travaux de rénovation ou contribuer au financement de nouvelles phases.

Ce gaspillage de ressources prive les groupes d’un outil pour lequel ils ont payé et cela diminue leur accès aux capitaux nécessaires pour compenser les réserves insuffisantes prévues aux programmes. Pour réduire ces effets, les groupes sont contraints de hausser les loyers, ce qui désavantage clairement les locataires.

Le RQOH demande donc que les conventions soient modifiées de manière à permettre aux OSBL-H, avec tous les contrôles d’usage, d’utiliser leur avoir propre comme garantie de prêt afin de faciliter la gestion des immeubles et compenser pour les trop faibles réserves prévues aux programmes.

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L’ENJEU

> Protéger les investissements en logement communautaire.

> Garantir aux dizaines de milliers de ménages qui les habitent le maintien en bon état des immeubles et l’abordabilité des loyers.

> Obtenir les meilleures retombées possible des actifs développés grâce aux programmes de la SHQ.

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LES PROBLÈMES

> Les programmes de la SHQ consacrent trop peu de ressources à la pérennité des immeubles pendant la durée des conventions d’exploitation.

> Aucune mesure de protection à long terme (au-delà des conventions) n’est envisagée alors que les premiers projets compléteront leur convention d’ici quelques années.

> Aucun mécanisme de mutualisation des ressources n’est en place.

> Les mécanismes et procédures d’accompagnement des projets sont déficients, y compris parce la SHQ ne tire pas profit des structures associatives du mouvement.

> Les structures associatives (RQOH et fédérations régionales) sont sous-financées, ce qui limite la portée de leur intervention.

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CE QUE NOUS PROPOSONS

> Le RQOH propose une panoplie de mesures s’appuyant largement sur les pratiques reconnues de saine gestion immobilière, de formation, d’accompagnement et de validation.

> Des outils financiers mettant en action les imposants actifs matériels, financiers et humains du parc de logement communautaire.

> Un véritable partenariat de la SHQ avec les structures associatives du monde de l’habitation communautaire qui permettrait d’utiliser l’expertise, la compétence et les ressources de celles-ci.