9 février 2016
Difficile voire impossible pour les OSBL d’habitation de répondre aux nouvelles normes gouvernementales en matière d’installation de systèmes de gicleurs.
Depuis le 2 décembre 2015, l’ensemble des résidences privées pour aînées (RPA) certifiées sont tenues, d’ici cinq ans, de mettre en place des gicleurs, et ce, quelles que soient leurs tailles ou leurs spécificités. Un programme de subvention, qui remboursera une partie des coûts d’installation, a été mis en place pour accompagner les RPA, modulé en fonction de la taille de ces dernières, mais ne faisant aucune distinction entre les RPA à but lucratif et les OSBL :
Jusqu’à 30 unités d’habitation 60 % De 31 à 99 unités 40 % Les RPA de 100 unités et plus 20 %
Pourtant, contrairement au secteur privé à but lucratif, les OSBL d’habitation ne génèrent pas de profit, les réserves dégagées chaque année ne servant qu’à couvrir l’entretien et les réparations des bâtiments. De plus, elles ne réaliseront pas de plus-value en installant des gicleurs, puisqu’elles n’ont pas vocation à revendre leurs actifs et à réaliser des profits. Enfin, il faut rappeler que la subvention ne tient compte que des coûts d’installation, alors que la mise en place d’un système de gicleurs entraîne également des coûts et du travail d’entretien supplémentaire.
« Nous n’avons aucun sou à mettre sur ce projet. Pour nous, il devra être subventionné en entier si c’est une obligation » affirme Louis-Marie Paquet, directeur du Foyer Saint Ambroise, un OSBL d’habitation de 24 unités au Saguenay-Lac-Saint-Jean. « Il faut penser assouplir certaines normes ou nous donner le budget complet pour l’actualisation. Il est évident que pour une petite résidence, c’est toujours le gros handicap : qui doit payer ? »
Même son de cloche à Val d’Or, au Domaine des Pionniers, une RPA qui gère 147 unités. Même si 66 d’entre elles ne sont pas giclées, la subvention accordée ne couvrira que 20% des coûts, car elle prend en considération la taille totale de l’organisme, qui s’est agrandi récemment.
« Nous devons avancer plus de 68 000 $, et la subvention sera versée deux fois par an sur 5 ans. En fait, on nous prend pour des riches. C’est ridicule ! », s’insurge le directeur de l’OSBL, Serge Bouvier. « En plus, nous allons devoir faire des travaux supplémentaires car nos plafonds ne conviennent pas pour ce type d’installation. Avec 3 500 $ de subvention par unité, on n’y arrivera pas. Le problème, c’est qu’on ne considère pas les cas particuliers. »
Au final, cette installation onéreuse devra probablement être amortie par une augmentation des loyers. Autrement dit, ce sont les aînés à faible revenu qui devront payer la note.
Il est évident que le terrible incendie de la résidence du Havre à L’Isle-Verte, en janvier 2014, devait susciter une réaction des institutions publiques. Mais cela ne doit pas se faire au détriment des résidences sans but lucratif qui n’ont pas les mêmes leviers et moyens de financement que le secteur privé à but lucratif.
En outre, le coroner Delâge l’a lui-même écrit dans son rapport : dans certains cas, les gicleurs ne parviennent qu’à retarder la progression d’un feu, pas à l’éteindre. Il faut se poser la question de la nécessité des gicleurs pour certaines structures. Au Foyer Saint Ambroise par exemple, chacun des 24 studios dispose d’une sortie extérieure, tous au rez-de-chaussée, sans escalier, et le système d’alarme est relié à une centrale qui permet aux pompiers d’intervenir très rapidement. « Il faut noter que nous avons eu la visite des pompiers, des journalistes de TVA… et chacun est en accord avec nous que ce n’est pas un besoin, personne ne veut prendre la responsabilité de l’écrire », déclare Louis-Marie Paquet.
En général, les OSBL d’habitation sont des précurseurs en matière de sécurité, particulièrement pour les aînés. En effet, leurs ressources souvent limitées les poussent à faire preuve de créativité ; c’est ainsi que tout un ensemble de mesures de sécurité communautaire ont été créées, mises en place et éprouvées. Pour ce qui est spécifiquement des incendies, les organismes ont développé une panoplie de mécanismes internes pour faciliter l’évacuation, et des liens ont été tissés avec la communauté pour épauler les sinistrés en cas de drames.
Si des aînés se trouvaient contraints de quitter leur logement à cause des hausses de loyer qui résultent de cette installation, c’est plus qu’un logement avec gicleurs qu’ils perdraient. Mais bien un espace sécuritaire et sain, un milieu de vie qui prend en compte et s’adapte aux besoins de chacun, avec un réel accompagnement communautaire.
Article paru dans le bulletin Le Réseau no 48
Gicleurs : quelles résidences sont concernées et comment procéder ?