9 février 2016

Révision du règlement sur la certification des résidences pour aînés: reconnaître la diversité des besoins

Le gouvernement a finalement dévoilé début octobre les modifications envisagées au règlement sur la certification des résidences privées pour aînés.

La révision fut annoncée par le ministre de la Santé et des Services sociaux, Gaétan Barrette, et la ministre responsable des aînés, Francine Charbonneau, quelques jours avant l’entrée en vigueur prévue des dispositions concernant le seuil minimal de surveillance dans les résidences pour aînés autonomes. Les OSBL d’habitation sur qui pendait cette épée de Damoclès bénéficieront donc d’un sursis d’ici l’adoption du nouveau règlement.

Attendue avec impatience par les locataires et administrateurs des OSBL d’habitation pour aînés, la révision du règlement a été accueillie positivement par le RQOH, pour qui il s’agit à n’en pas douter « d’un pas dans la bonne direction ». Rappelons que la réglementation mise en place en 2013 avait été largement décriée dans le milieu de l’habitation communautaire pour sa méconnaissance de l’autonomie des ainés locataires des OSBL. En principe, elle faisait la distinction entre les résidences pour aînés autonomes (où l’offre de services se limite généralement aux loisirs et à certains repas) et celles qui s’adressent à une clientèle en perte d’autonomie. Et pourtant, elle finissait par les considérer toutes comme des institutions de soins, alors qu’actuellement, une majorité d’aînés autonomes occupe les quelque 625 projets d’habitation en formule OSBL qui offrent un logement à plus de 22 000 ménages aînés.

L’élément ayant suscité le plus de mécontentement concernait le « seuil minimal de surveillance » obligeant toutes les résidences à maintenir sur place et en tout temps au moins un membre du personnel ayant une formation de préposé. Dans les OSBL d’habitation pour aînés, des mécanismes de surveillance communautaire éprouvés étaient pourtant en place, qui répondaient, et répondent encore, aux besoins des locataires et permettent une sécurité optimale. Faute de moyens pour mettre en place une surveillance 24/7, certains OSBL ont dû se retirer du processus de certification afin de ne pas faire peser ce coût sur les épaules de locataires aux revenus modestes, tel le Jardin des aînés, à Chibougamau. « Cette mesure nous obligeait à embaucher deux employés à temps plein, ce qui nous aurait contraint à augmenter nos dépenses de 76 440 $ par année et nos loyers de 490 $ par mois », explique la directrice Suzanne Deshaies.

Des représentations soutenues

Le RQOH, ses fédérations et les OSBL d’habitation concernés n’ont cessé d’interpeller les autorités, en particulier le ministère de la Santé et des Services sociaux responsable de l’application du règlement. Ils ont dénoncé ces normes « mur à mur » et exigé que l’on respecte le droit des aînés de vivre ailleurs que dans des milieux institutionnalisés, à l’instar d’André Blackburn, 74 ans et locataire aux Habitations Nouvelles Avenues à Montréal.

« Je vois mon médecin deux fois par année au besoin. Je ne me sens pas obligé d’avoir une infirmière accrochée à mes bottes continuellement, s’insurge-t-il. Ce n’est pas parce que quelqu’un se casse une jambe que l’on est tous obligés de marcher avec des béquilles. »

Plus d’une centaine d’OSBL d’habitation ont été contraints de diminuer leur offre de services pour se retirer du processus de certification. À Montréal, des locataires d’OSBL pour aînés membres de la FOHM (la Fédération des OSBL d’habitation de Montréal) ont mis sur pied le comité des « carrés gris » et organisé plusieurs actions pour exprimer leur volonté de pouvoir choisir et contrôler leur milieu de vie. Partout, des OSBL et leurs locataires ont écrit à leurs députés et aux autorités concernées pour leur expliquer en quoi la réglementation était inadéquate.

À l’automne 2014, le ministre Barrette a profité de sa présence au colloque du RQOH pour annoncer la mise sur pied d’un « comité stratégique » chargé de revoir la pertinence des normes prévues au règlement. Le RQOH y a participé avec tout le sérieux nécessaire, y faisant valoir les préoccupations du milieu. C’est suite aux travaux de ce comité que le ministre a dévoilé le projet de règlement désormais à l’étude.

Un projet à finaliser… et à bonifier

De manière générale, les modifications proposées tiennent mieux compte des réalités et besoins des locataires des OSBL d’habitation pour aînés. Le RQOH a d’ailleurs tenu à souligner l’ouverture et le pragmatisme du ministre et des partenaires qui ont participé au processus d’élaboration du projet de règlement.

S’il est adopté, les résidences privées pour aînés seront désormais classifiées en quatre catégories, au lieu de deux. Les normes d’exploitation seraient alors adaptées en fonction de chacune des catégories, selon le type de services offerts.

Pour les résidences de catégorie 1 (qui n’offrent que des services de base) comptant moins de 50 unités locatives, le projet prévoit qu’elles pourront faire appel à une personne bénévole. Cela se fait déjà à plusieurs endroits, pour assurer la surveillance et faciliter au besoin l’intervention des services d’urgence lors des périodes où aucun membre du personnel n’est présent. Pour les OSBL d’habitation qui tombent dans cette catégorie, il devrait donc être possible de se conformer au règlement et de réintégrer le processus de certification, le cas échéant.

Malheureusement, le gouvernement n’a pas voulu étendre cette formule aux autres résidences de la même catégorie. Celles-ci seront tenues d’assurer la présence en tout temps d’au moins un membre du personnel, avec les conséquences financières que l’on sait pour leurs locataires. Dans le mémoire qu’il a adressé au ministre, le RQOH a proposé que la surveillance par des bénévoles soit également autorisée dans les projets de plus grande taille, couplée à un rehaussement du nombre de personnes assignées à cette tâche. Une augmentation des loyers est aussi prévisible pour un certain nombre d’OSBL d’habitation de 50 unités ou plus et actuellement non certifiés, compte tenu de la révision de la définition des services qui entrainent l’obligation de se certifier. Pensée pour éviter que des résidences qui n’offrent que partiellement un service puissent se soustraire à la certification, cette révision les obligerait à s’y soumettre et à embaucher du personnel supplémentaire.

Marguerite, locataire de la Cité des Bâtisseurs de Pointe- Saint-Charles à Montréal, s’inquiète : « Il faudra que je me remette à chercher un logement dans une coopérative ou un HLM, je sais que cela ne sera pas facile et en plus je ne suis pas certaine d’en trouver un qui corresponde à mes besoins. » Elle ne souhaite pas « renoncer à un beau projet [qu’elle] porte depuis des années, qui est adapté à [ses] besoins (ascenseur, sécurité, activités pour briser l’isolement…), parce [qu’elle n’aurait] plus les moyens d’y habiter. »

Pour éviter que les aînés à faible revenu qui y logent aient à en assumer le fardeau, le RQOH suggère qu’un soutien financier soit accordé aux OSBL dont la viabilité financière se trouverait compromise par ces nouvelles dispositions.

Un élargissement imprévu !

Comme l’affirme le directeur de la résidence Le Jardin à Trois- Rivières, Richard Maziade, la recherche d’un logement ou d’un lieu d’hébergement adapté aux besoins des aînés est fastidieuse. « L’utilisation d’une appellation spécifique aux résidences pour aînés sans but lucratif serait un excellent moyen de contribuer à faciliter ce processus », assure-t-il. Ainsi, dans le cadre des discussions au comité stratégique, le RQOH a proposé l’élaboration d’une certification adaptée aux OSBL et à leurs locataires, sous une appellation distincte qui leur permettrait d’identifier et de mettre en valeur leur offre de logement et de services. Pourtant, alors que cette proposition semblait faire consensus, elle n’a pas été retenue dans le projet de règlement.

Les assouplissements annoncés par les ministres Barrette et Charbonneau, qui découlent pour l’essentiel des représentations faites par les OSBL d’habitation, s’adressent ainsi à tous les types de résidences, qu’elles soient à but lucratif ou pas. L’on peut donc craindre que certains promoteurs soient tentés, à des fins lucratives, d’instrumentaliser la notion de bénévole et d’abuser de la bonne volonté de leurs locataires.

Quoiqu’il en soit, il demeure pertinent que le MSSS appuie les efforts de promotion et de valorisation de l’offre des résidences pour aînés sans but lucratif, en soutenant notamment l’utilisation d’une appellation distincte.

Pour le maintien d’une offre diversifiée et répondant aux besoins de tous les aînés

De nombreux commentaires ont été acheminés au ministre à la suite de la publication du projet de règlement, dont plusieurs appuient les recommandations présentées par le RQOH. Au moment de mettre sous presse, les responsables du dossier au MSSS s’affairaient à en prendre connaissance et à les analyser, avant que le conseil des ministres en dispose. Comme le souligne le mémoire du RQOH, « l’offre de résidences de qualité, sécuritaires et centrées sur les besoins des aînés est à l’origine même de la mise sur pied des OSBL d’habitation pour aînés dans des centaines de villes et villages du Québec. L’immense travail de concertation du milieu et de mobilisation sociale et financière qu’exigent la mise sur pied et le bon fonctionnement de ces organismes témoigne de la préoccupation de ces communautés à l’égard de leurs aînés. »

Les aînés à faible revenu, qui n’ont pas les moyens de se payer une place dans une grande résidence privée à but lucratif, ont eux aussi droit à un logement convenable et à une belle qualité de vie.

Article paru dans le bulletin Le Réseau no 48

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