Laurence Fontaine, intervenante de soutien au développement communautaire. Fédération de Laval, Laurentides et Lanaudière des OSBL d’habitation

L’idée initiale de mettre de l’avant des projets de logements sociaux dédiés aux aînés autonomes ou en légère perte d’autonomie répond, bien entendu, à la vocation première du logement social, soit celle d’offrir un logement abordable aux personnes à faible revenu. Cependant, elle favorise également le maintien à domicile des aînés via le soutien du réseau de la santé pour pallier divers besoins liés à une légère perte d’autonomie. Ainsi, les services de soutien à domicile des centres de santé et de services sociaux (CSSS), jumelés à la présence d’un concierge surveillant pour rassurer les aînés et à la présence régulière d’une intervenante pour soutenir les locataires et faire le lien avec la famille et les ressources CSSS, sont des clés essentielles de réussite.

Toutefois, les habitations ayant peu d’unités de logement n’ont pas toujours les moyens financiers de se payer une ressource interne, 24/24, et l’enveloppe du soutien communautaire dans les OSBL d’habitation n’augmente pas, contrairement aux besoins des milieux qui augmentent au fur et à mesure que la vie suit son cours. La réalité de la vieillesse c’est qu’elle s’accompagne presque inévitablement d’une perte d’autonomie en constante progression. Plus la clientèle vieillit, plus les besoins augmentent et plus la population vieillit, plus les services du réseau de la santé sont sollicités. Ainsi, il devient plus difficile de répondre à tous les besoins des aînés en logements par la seule présence du système de santé publique. Les répercussions sont donc inévitables et se font même déjà ressentir. On pourra souhaiter autant qu’on le puisse que les services de soutien à domicile répondent à la croissance de la perte d’autonomie des aînés en logement social et s’ajustent au fur et à mesure que la perte d’autonomie progresse, mais c’est malheureusement déjà une problématique dans une majorité des cas et il est difficile de croire que le portrait s’ajustera avec l’arrivée massive des baby-boomers.

L’intention n’est pas de discréditer ou de se plaindre des services du réseau de la santé, mais plutôt de relater la difficulté de répondre à l’augmentation des besoins des locataires. Pour être capable de s’ajuster à une progression de perte d’autonomie des aînés en logements, il faut d’abord être présent, mais comme les habitations pour aînés s’adressent également à des aînés autonomes, nombreux sont les locataires qui n’ont aucun contact avec un travailleur social à leur arrivée dans le logement. D’un autre côté, lorsque le locataire est déjà en contact avec un travailleur social à son arrivée, ce dernier n’est pas présent quotidiennement, ce qui rend difficiles le dépistage des besoins épisodiques et la parfaite adaptation des services à la progression de la perte d’autonomie du locataire.

Lorsque la famille n’est pas présente, les seules personnes étant sur place de temps à autre sont le gestionnaire et le concierge-surveillant. Cependant, ces derniers ne sont pas nécessairement outillés pour déceler les cas de perte d’autonomie et il peut devenir particulièrement complexe d’évaluer les besoins et d’en informer le réseau de la santé. Lorsque le gestionnaire ou le concierge-surveillant s’aperçoit qu’il y a des besoins, encore faut-il que le locataire accepte de recevoir des services, ce qui n’est véritablement pas gagné lorsque les premières pertes sont au niveau psychologique. Comment compter uniquement sur la présence du soutien à domicile en logement social pour répondre aux besoins liés au vieillissement ?

Pour certains gestionnaires qui ont une présence à temps plein dans les habitations, les réalités liées au vieillissement et à la perte d’autonomie de leurs locataires frappent fort. Ils ont plusieurs cas de début de démence, d’Alzheimer, de troubles de santé mentale et se sentent démunis face au débordement du réseau de la santé et parfois au refus catégorique des locataires de recevoir une évaluation. Étant conscients qu’il ne s’agit souvent pas de cas de perte d’autonomie qui justifient une relocalisation ou se faisant simplement dire par le réseau de la santé que des locataires présentant des troubles sont tout à fait aptes à rester en logement, ils ne savent plus vers qui se tourner et redoutent les prochaines années lorsqu’ils constateront que plusieurs besoins ne sont toujours pas comblés.

Pour affronter les années à venir dans le logement social pour aînés, il faut inévitablement investir dans le soutien communautaire. Plusieurs OSBL d’habitation pour aînés aimeraient la présence quotidienne d’une intervenante de milieu pour déceler les cas de besoins, pour créer des liens de confiance et pour faciliter l’acceptation à recevoir des services, mais les logements sociaux doivent déjà composer avec la contrainte d’offrir des loyers abordables et les coûts reliés à l’intervention de milieu dépassent parfois leurs capacités. Cependant, il semble bien que la clé pour s’adapter aux nouvelles réalités du vieillissement des aînés dans les logements soit la présence plus qu’hebdomadaire d’une intervenante de milieu. C’est déjà une pratique courante dans certaines habitations, mais malheureusement, c’est loin d’être la norme. Pour le devenir, le gouvernement doit comprendre que le logement social pour aînés et le soutien communautaire vont de pair. Il ne faut pas simplement penser à investir dans le logement social sans investir dans le soutien communautaire. Pour les prochaines années, la tâche des acteurs du milieu du logement social est de faire de la pression pour que cela se produise.

Article paru dans le bulletin Le Réseau no 40

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