Homme âgé se tenant la tête, découragé, dans ce qu'on devine être son logis.

En dépit de la mise sur pied du programme d’allocation personnalisée, qui prévoyait, en 2023, 200 millions de dollars sur cinq ans afin d’aider les RPA en difficulté, les fermetures s’enchaînent. Notons que le programme avait une admissibilité très réduite. L’élargissement de celui-ci, qui devrait se déployer dans les prochains mois, débloquera les fonds nécessaires pour améliorer le sort des locataires aînés.

 

Pertes en recul, mais constantes

Selon l’Association québécoise des retraité(e)s sur secteur public et parapublic (AQRP), « le nombre de locataires évincés des RPA a connu une baisse de 44 %, passant de 2 557 à 1 426 personnes » entre 1er octobre 2022 et le 30 septembre 2024.

En 2023-2024, on dénombrait un total de près de 1400 RPA, desservant 136 50025 individus, dont 224 sont communautaires actives, avec 15364 résidents. Un peu moins de 16 %, donc, mais avec un peu moins de 10 % des unités. Cela démontre qu’un grand nombre des installations, souvent situées en région, sont de petite taille, et répondent ainsi à un besoin spécifique mais vital.

En dépit de la baisse marquée des locataires touchés, le parc de RPA continue de s’effriter. À ce chapitre, l’AQRP note un recul de seulement 1 % des fermetures d’installations pour la même période. Le phénomène d’érosion suit donc son cours.

Ainsi, les données suggèrent qu’autant de RPA continuent de fermer, mais que moins de locataires sont évincé.es de celles-ci. Ce paradoxe démontre que des RPA de plus petite taille ferment, et que les fermetures sont en proportion plus élevées que les décertifications.

Bien que les statistiques traduisent un certain recul du phénomène en ce qui a trait au nombre de locataires touchés, les aînés fragilisés sont les principales victimes de ces pertes.

Un moratoire insuffisant

D’autre part, l’effet négligeable de la Loi limitant le droit d’éviction des locateurs et renforçant la protection des locataires aînés (loi 65), adoptée en juin 2024, laisse des milliers de locataires aînés sans protection adéquate, une situation qui sera sans doute empirée par le contexte inflationniste et la guerre tarifaire. Plus susceptibles de se faire détrousser, les personnes aînées sont davantage affecté·es par la course effrénée du prix des loyers.

En effet, le moratoire sur les évictions, décrété en mai 2024, qui empêche les propriétaires d’évincer leurs locataires à des fins de changement d’affectation, de subdivision ou d’agrandissement, n’a pas eu le plein effet escompté.

Avant le décret gouvernemental, un·e locataire de plus de 70 ans occupant son logement depuis au moins dix ans était à l’abri d’une reprise ou d’une éviction. Cette personne devait toutefois démontrer un revenu égal ou moindre au revenu maximal pour l’admissibilité à un logis à loyer modique. Aujourd’hui, le seuil d’âge est fixé à 65 ans. Aussi, le revenu maximal pour bénéficier de la protection est augmenté à 125 % du revenu pour accéder à un logement à loyer modique.

Pour la détermination de l’admissibilité des ménages à la location d’un logement à loyer modique, un ménage composé d’une personne seule ou d’un couple d’aînés ayant comme seule source de revenus la pension de la Sécurité de vieillesse (PSV), le Supplément de revenu garanti (SRG) et la rente de retraite du Régime de rentes du Québec (RRQ) détient un revenu inférieur ou égal aux PRBI d’une chambre à coucher de sa région administrative. Les PRBI 2024

Il n’en demeure pas moins que les personnes âgées font partie des groupes les plus vulnérables face aux autres formes d’éviction possibles.

Milieux de vie effrités

Outre le déplacement des individus touchés, qu’il s’agisse d’une expulsion ou d’une fermeture, l’effondrement du milieu de vie entraîne une perte de liens sociaux et un sentiment de déracinement. Cela peut engendrer de la détresse et une perte de repères pour les locataires affectés par ces phénomènes, ayant de réelles conséquences sur leur santé.

L’équipe des affaires publiques et juridiques du RQOH a d’ailleurs récemment offert une conférence sur le modèle et les enjeux des RPA communautaires dans le cadre des conférences midi de la Chaire de recherche Antoine-Turmel sur la protection juridique des aînés. Cette tribune a donné à nos juristes l’occasion de rappeler l’urgence sociale face à cette situation et de mettre en valeur les avantages du modèle défendu par notre Réseau.

Recommandations

Le nombre de personnes de personnes âgées de 70 ans et plus devrait atteindre 1,48 millions en 2040.

Dans le contexte du vieillissement de la population, du débordement des services et de la pénurie de main-d’œuvre, la gestion publique du risque doit soupeser la perte de milieux de vie pérennes.

 

Cadre règlementaire

En dépit des allègements règlementaires accordés aux OSBL, l’État impose des règles susceptibles de faire fermer des ressources.

Plusieurs de ces RPA renoncent parfois à offrir certains services et à se décertifier pour survivre et maintenir la plupart des locataires dans les lieux, notamment en raison de la densification règlementaire (ex. gicleurs, cuisines obligatoires). Cela créé un enjeu financier puisque les loyers ne peuvent être ajustés à la hauteur des dépenses de l’organisme.

La pénurie de main-d’œuvre aggrave la situation, surtout en région. Il existe des programmes favorisant l’accueil des employés, mais cela n’est pas suffisant. Il devient difficile d’être compétitif avec le réseau public, en raison des salaires offerts. L’entraide et la mutualisation des services assurent souvent la viabilité des milieux de vie.

 

Autonomie et collaboration

Il est essentiel de préserver l’autonomie des petites installations qui doivent fermer en raison de difficultés financières ou d’épuisement du personnel.

Pour améliorer la situation, les gouvernements auraient intérêt à donner la priorité au financement du logement communautaire. Il pourrait, en outre, offrir une meilleure souplesse pour les projets visant une mixité intergénérationnelle.

Nous recommandons une meilleure collaboration entre les acteurs du réseau, notamment entre le MAMH et le MSSS, afin de permettre aux aînés en situation financière plus précaire de conserver leur logement.

Nous invitons les développeurs sans but lucratif à envisager la reprise de RPA pour les placer à l’abri de la spéculation en les socialisant.

Il devient prioritaire d’éviter l’hémorragie en consolidant les acquis et en déployant davantage de RPA communautaires, dont les actifs servent à mener à bien leur mission première : loger dignement les personnes aînées.

Le RQOH fait par ailleurs partie de l’Association québécoise des milieux de vie pour aînés (AQMVA), qui propose à l’État une vision à long terme axée sur un partenariat enforcé, des allègements administratifs, une meilleure transparence, un financement en adéquation avec les besoins et le souci d’équité entre les régions.