En OSBL d’habitation, les femmes sont majoritaires par rapport aux hommes, surtout dans les résidences pour aînés. Et une minorité de projets en OSBL-H sont uniquement réservés aux femmes. La question se pose alors : quelle est la réalité de ces femmes habitant en logement communautaire mixte ? Leurs besoins sont-ils pris en compte par les gestionnaires et les intervenants ? Et si oui, par quelles mesures ? Quelques éléments de réponses ont été apportés par une diversité d’organismes.

« Il est certain qu’il existe des besoins différents entre hommes et femmes, on s’en est vite rendu compte, déclare l’administrateur d’un organisme montréalais offrant plus de 150 logements à des personnes à risque d’itinérance. Par exemple, il est clair que les femmes ne veulent pas rester en maisons de chambre. »

« C’est vrai, les maisons de chambres ne conviennent généralement pas aux femmes, enchaîne la directrice d’un OSBL-H uniquement pour femmes offrant 90 logements permanents. Nos chambres sont disponibles à longueur d’année, les femmes n’en veulent pas. De plus, si elles sont en studio, elles passent souvent à un logement plus grand. Elles ont besoin de leur espace complet, peu importe qu’elles le partagent avec des hommes ou avec des femmes. » L’administrateur ajoute : « Le confort et la grandeur sont importants, c’est aussi parce qu’elles ont souvent des enfants. Il ne faut pas oublier que les familles monoparentales sont presque toujours soutenues par des femmes. »

Lors d’un atelier de réflexion et d’échanges sur ces questions, organisé dans le cadre de l’assemblée générale annuelle du RQOH, sept OSBL d’habitation sont représentés : résidence pour personnes aînées, habitation pour femmes, organisme pour personnes ayant des besoins particuliers, logement transitoire ou permanent, en milieu urbain ou rural, bref toutes les formes d’OSBL sont autour de la table. La discussion est riche et permet aux gestionnaires d’OSBL de partager leur expérience sur la gestion de la mixité.

L’approche différenciée ?
Nicole Boily, ancienne présidente du Conseil des Montréalaises et administratrice d’un OSBL pour femmes, anime l’atelier. « L’approche différenciée met en lumière la nécessité de connaître et de prendre en compte les besoins spécifiques des femmes en matière d’habitat, et de mesurer leur impact dans différentes situations, explique-t-elle. On ne peut se passer d’une telle approche, car il est primordial de s’assurer de répondre aux différents besoins dans un milieu mixte. »

Cette préoccupation est également présente chez les OSBL-H représentés à l’atelier. En partant, les organismes s’entendent pour reconnaitre qu’une grande majorité de femmes occupent les logements, notamment dans les résidences pour personnes aînées.

« Nous avons environ 10% d’hommes et 90% de femmes, indique un administrateur d’OSBL pour aînés du Bas-Saint-Laurent. On commence à constater qu’il y a des besoins différents. Quand on organise des activités, on relève une nette séparation des tâches. Les hommes sont plus retirés, tandis que les femmes vont beaucoup se réunir et jaser entre elles. »

« Les demandes sont différentes selon que nous avons un homme ou une femme représentant les locataires en C.A., ajoute l’administrateur d’une résidence pour aînés à Laval. Les goûts diffèrent, par exemple lorsqu’il s’agit d’aménager la salle commune ! »

Un besoin prégnant de sécurité
Une caractéristique identifiée par des gestionnaires, personnes administratrices et intervenantes est que les femmes habitant en logement communautaire ont souvent besoin de se retrouver dans des espaces de rencontre et d’échange non mixtes. « Pour les femmes à risque d’itinérance ou qui ont vécu en situation d’itinérance, l’enjeu principal de ce besoin en est un de sécurité, explique une intervenante communautaire de Montréal. Car elles ont un passé caractérisé par la violence. »

« Il y a un besoin exprimé par nos résidentes pour plus de sécurité, confirme l’administrateur d’un refuge offrant 45 logements transitoires, dont 15 pour les femmes. Elles se sentent plus vulnérables. Nous avons d’ailleurs une aile réservée aux femmes, avec porte sécurisée et caméra, elles ont leurs propres douches et casiers. Elles peuvent tout de même interagir avec les hommes dans la salle commune et la cuisine. »

« Depuis peu, nous avons un étage réservé aux femmes, qui représentent environ la moitié de nos locataires, relate l’administratrice d’un projet montréalais de 73 logements permanents pour personnes à risque d’itinérance. Cela fonctionne bien ainsi. » « Ça rassure les résidentes d’être entre elles, précise la directrice de l’OSBL pour femmes. Parfois, on a un appel de panique : ‘’Il y a un homme sur le palier !’’. »

« La violence (familiale, domestique, sexuelle) de même que la pauvreté sont des facteurs déterminants dans le parcours des femmes ayant vécu de l’itinérance, avait déclaré Anne Bonnefont du RAPSIM, lors de la conférence sur « L’itinérance au féminin » du dernier colloque du RQOH. Souvent, elles sont très seules, très isolées. Elles trouvent dans le logement social avec soutien communautaire un milieu de vie, une communauté, un accompagnement. Mais aussi, un milieu sécuritaire et sécurisant.»

La directrice de l’OSBL-H pour femmes à Montréal confirme : « C’est important de préserver le milieu de vie. Si une femme victime de violence conjugale souhaite habiter chez nous, nous nous assurons de la solidité de sa démarche pour sortir du cycle de la violence, afin que son ex-conjoint violent ne vienne pas perturber la communauté. Nous adoptons une approche citoyenne, et pas une approche santé. »

« Les femmes font tout pour garder leur logement, déclare l’administrateur d’un OSBL montréalais. Une étude a montré que le plus haut pourcentage de causes de non-paiement de loyer déposées à la Régie du logement vient des hommes. Les femmes finissent presque toujours par payer leur loyer, aussi parce que leurs enfants sont avec elles. » Ce témoignage corrobore le fait que les femmes font tout plutôt que d’être à la rue, allant jusqu’à dormir dans des endroits insalubres ou se mettre dans des situations dangereuses. Ainsi, l’itinérance féminine est bien réelle, bien que très peu visible.

Violences sexuelles et harcèlement : un sujet tabou ?
À partir des témoignages de centaines de femmes subissant du harcèlement et des violences sexuelles au sein même de leur logement, le Centre d’éducation et d’action des femmes a lancé une campagne, pour briser la loi du silence. En effet, les victimes se taisent, par peur de perdre leur logement. Ce phénomène existe dans le secteur privé, mais aussi (probablement dans une moindre mesure grâce au soutien communautaire) en logement social.

« La violence subie par une requérante est prise en compte dans les entrevues d’admission, rappelle un administrateur d’OSBL. Cela fait partie des demandes prioritaires. Mais si une situation de violence survient dans un de nos logements, on est un peu démuni par rapport à ça, admet-il. Pour que la victime puisse changer d’appartement, c’est difficile. »

« Il existe des ressources vers lesquelles diriger les victimes, indique une intervenante en soutien communautaire, qui anime un Comité femmes commun à plusieurs OSBL montréalais. Lors de nos rencontres collectives, les langues se délient, les femmes peuvent ventiler et se confier. Si besoin, je les soutiens pour porter plainte, je les réfère au CAVAC, au centre de femmes du quartier, ou aux services externes assurés par les maisons d’hébergement. »

D’ici la fin de l’hiver, un document d’information, comprenant un répertoire d’initiatives et de ressources, sera distribué aux OSBL d’habitation et aux organismes de défense de droits, afin de prévenir, voire éliminer, la violence faite aux femmes dans le logement.

Prendre en compte les besoins des femmes : un travail continu
« Nous développons une phase en logement permanent, explique l’administrateur d’un refuge mixte. Mais nous ne savons pas encore si nous allons inclure un espace réservé aux femmes, comme dans le premier projet. »

L’administrateur d’un organisme de logements permanents s’interroge : « Quels sont les besoins spécifiques des femmes ? Certains OSBL n’y ont pas pensé lors du premier projet, mais ils y réfléchissent lorsqu’ils en développent un deuxième. Il n’y a pas de réflexion précise, mais chaque groupe exprime ses besoins ».

Les femmes sont majoritaires en OSBL d’habitation, parce qu’elles sont plus pauvres, et plus nombreuses que les hommes à consacrer une part trop élevée de leur revenu au logement. Les femmes immigrantes et autochtones connaissent de plus grandes difficultés encore. Parce qu’elles sont plus nombreuses en logement communautaire, et qu’il est plus difficile de répondre à leurs besoins dans un projet mixte, les responsables d’OSBL sont invités à aller plus loin dans la prise en compte de leur réalité spécifique. Les conditions de vie, les attitudes, les choix des femmes illustrent ces besoins, qui font l’objet d’une attention particulière par le RQOH. Un travail d’analyse et de réflexion a été entamé, sur la place des femmes en OSBL d’habitation, qui sera documenté sur rqoh.com et dans les publications du RQOH.

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