
DOSSIER
FINANCEMENT DU SOUTIEN COMMUNAUTAIRE EN LOGEMENT SOCIAL
Le 17 avril 2018, au terme d’un forum tenu à l’occasion du colloque Parce que l’avenir nous habite du RQOH, les quatre regroupements nationaux représentant les développeurs et fournisseurs de logement social ont publié une déclaration commune soulignant l’importance des interventions en soutien communautaire auprès des locataires.
Onze ans après l’adoption du Cadre de référence sur le soutien communautaire en logement social et l’octroi d’une enveloppe de 5 millions de dollars par le ministère de la Santé et des Services sociaux, le Regroupement des offices d’habitation du Québec, la Confédération québécoise des coopératives d’habitation, l’Association des groupes de ressources techniques du Québec et le RQOH estiment que ces interventions ont permis de soutenir des dizaines de milliers de personnes et de faire en sorte que des centaines d’ensembles de logements sociaux s’avèrent des milieux de vie harmonieux favorisant le développement social.
Néanmoins, depuis son adoption, l’application du cadre de référence et le déploiement des interventions en soutien communautaire se sont avérés pour le moins inégaux d’une région à l’autre. De plus, malgré certaines bonifications ponctuelles, l’enveloppe globale allouée par le MSSS n’a jamais été augmentée, même si le parc de logements sociaux et communautaires a connu une importante croissance depuis 10 ans. Les quatre regroupements estiment ainsi à 30 millions de dollars le financement minimum immédiatement nécessaire pour répondre aux objectifs du cadre et permettre aux dizaines de milliers de ménages locataires qui n’ont pas accès au soutien communautaire d’en bénéficier eux aussi.

Ce qu’est le soutien communautaire
Le soutien communautaire en logement social est une approche née il y a une trentaine d’années auprès des chambreurs des quartiers centraux de Montréal, en particulier dans les OSBL d’habitation pour personnes seules. Cette pratique a notamment favorisé la stabilité résidentielle des personnes à risque d’itinérance. Depuis, le soutien communautaire s’est graduellement étendu et adapté aux ensembles de logements sociaux abritant des personnes seules, fragilisées ou en perte d’autonomie, les besoins de sécurité, de médiation et d’animation étant communs à une grande partie des locataires vulnérables.
Le Cadre de référence sur le soutien communautaire en logement social, adopté conjointement par le ministère de la Santé et des Services sociaux et la Société d’habitation du Québec en 2007, le définit comme un ensemble d’actions qui peuvent aller de l’accueil à la référence, en passant par l’accompagnement auprès des services publics, la gestion des conflits entre locataires, l’intervention en situation de crise, l’intervention psychosociale, le soutien au comité de locataires et l’organisation communautaire. Il reconnaît une responsabilité partagée des réseaux de la santé et des services sociaux et de l’habitation sociale à l’égard de leur clientèle commune.
À quoi sert le soutien communautaire ?
Le soutien communautaire vise à soutenir collectivement des personnes vulnérables ou qui risquent de le devenir pour leur permettre de demeurer dans le milieu de vie de leur choix, de maintenir ou d’améliorer leurs capacités ou d’éviter une détérioration de leur situation. Il représente un moyen d’acquérir une stabilité résidentielle, de préserver et développer leur autonomie individuelle et collective, et de permettre l’inclusion des personnes dans la communauté. La qualité du milieu de vie, bonifié par le soutien communautaire, permet à la personne de « vivre chez soi ».

« Dans un OSBL d’habitation pour mères monoparentales, les femmes sont invitées par l’intervenante à s’impliquer dans différentes tâches, comme la collecte des loyers, les menus travaux d’entretien et de réparation, la comptabilité, etc. À la suite de cet engagement et de l’encadrement offert par l’intervenante, plusieurs sont retournées aux études et ont trouvé un emploi. »
– Une réponse à l’itinérance
La politique nationale de lutte à l’itinérance Ensemble, pour éviter la rue et en sortir, adoptée en 2014 par le gouvernement du Québec, identifie le logement comme axe prioritaire d’intervention dans la lutte à l’itinérance. Cet axe d’intervention repose sur deux mesures complémentaires, soit d’accroître l’offre de logement adéquat (matériellement et financièrement) et de soutenir l’accompagnement des personnes en logement, c’est-à-dire le soutien communautaire.
– Une réponse au maintien des aînés dans leur milieu de vie
La politique gouvernementale Vieillir et vivre ensemble. Chez soi, dans sa communauté, au Québec (2012) propose comme objectif central le maintien dans le milieu de vie, le plus longtemps possible. Elle reconnaît le soutien communautaire en logement social comme étant particulièrement bénéfique aux personnes aînées et identifie sa bonification comme l’un des moyens à mettre en œuvre pour favoriser le vieillir chez soi.
– Une réponse à l’exclusion sociale
L’amélioration des conditions de vie des personnes et des familles à faible revenu, que permettent l’accès à un logement abordable et le soutien communautaire, favorise leur inclusion et leur participation sociales.
« Les activités de soutien communautaire offertes à l’OSBL Le Tremplin de Sherbrooke permettent aux résidents, âgés de 16 à 30 ans, de développer leur estime de soi, de se prendre en main et de développer de nouveaux champs d’intérêt. »


L’application du cadre de référence
Si l’importance du soutien communautaire fait l’unanimité, l’application du cadre de référence sur le terrain fait face à des difficultés de plusieurs ordres.
› Des lacunes au niveau de la définition des « clientèles ciblées ». Le cadre de référence définit ces dernières de manière relativement large : « personnes en perte d’autonomie liée au vieillissement, personnes ayant une déficience physique, une déficience intellectuelle ou un trouble envahissant du développement, personnes ayant des problèmes de santé mentale, personnes ayant une dépendance, comme les personnes alcooliques ou toxicomanes. Il peut aussi s’agir de personnes sans domicile fixe ou itinérantes, de même que de personnes ou de familles dites à problématiques multiples. » Cependant, en dépit de nombreux besoins dans tous les types de clientèles, dans plusieurs régions, ce sont surtout les OSBL-H pour personnes aînées qui voient leurs projets financés.
› Le manque de règles claires dans l’attribution du financement et l’apparent manque de cohésion aux niveaux national et régional.
– Est-ce bien du soutien communautaire dont il est question ici ?
Le cadre de référence donne une définition du soutien communautaire, mais le concept n’est pas maîtrisé également par tous et il arrive que des activités ne faisant pas partie de cette approche soient néanmoins financées (par exemple, des services de maintien à domicile).
– Finance-t-on les bonnes organisations ?
Le manque d’encadrement semble être à l’origine d’une répartition désordonnée des sommes à des organismes qui n’administrent pas de logements sociaux : des associations de locataires, des points de service d’un CISSS ou d’un CIUSSS, des organismes communautaires en santé et services sociaux et dans le passé, au moins une conférence régionale des élus.
– Est-ce bien de logement permanent dont on parle ?
Le soutien communautaire est censé s’adresser aux locataires de logements sociaux permanents avec bail relevant de la compétence de la Régie du logement. Or, des projets ont été financés dans des organismes qui offrent de l’hébergement temporaire ou des logements de transition.
– Y a-t-il des concertations et du suivi ?
Le cadre prévoyait la mise en place d’un comité de suivi national et de concertations régionales habitation-santé pour assurer sa mise en œuvre. Le comité national ne s’est réuni que deux fois en 11 ans et une minorité de régions ont mis en place une concertation régionale.
Il existe également d’importants écarts, d’une région à l’autre, dans la répartition des ressources entre logement communautaire et logement public.
› La difficulté d’avoir une vue globale sur l’ensemble des ressources allouées a fait en sorte qu’il a été impossible de faire un diagnostic net et sans équivoque de la mise en œuvre du cadre de référence. Dans la foulée du Plan d’action 2017-2021 de la Politique gouvernementale de prévention en santé, la SHQ et le MSSS ont toutefois entrepris des travaux pour faire ce bilan et mettre à jour le cadre de référence..
› Une enveloppe globale insuffisante. À l’exception de quelques régions où les établissements de la santé et des services sociaux ont assuré sur leurs fonds propres une augmentation nette des budgets, aucune nouvelle somme n’a été injectée de manière récurrente depuis 2007. Cependant, depuis ce temps, plus de 20 000 nouvelles unités de logement communautaire ont été développées dans le seul secteur OSBL.
Chaque année qui passe sans une bonification conséquente de l’enveloppe nationale a des impacts sur la qualité de vie de milliers de locataires ainsi que sur la capacité de la société à venir en aide aux personnes itinérantes ou à risque d’itinérance, aux personnes âgées, aux personnes seules et aux familles les plus démunies.

L’ENJEU
› En favorisant la stabilité résidentielle et l’autonomisation des personnes, le soutien communautaire constitue un élément décisif pour agir sur des enjeux aussi importants que la lutte à l’itinérance, le maintien des aînés dans leur milieu de vie et la diminution de l’exclusion sociale vécue par les groupes fragilisés.
› L’importance du soutien communautaire fait l’unanimité et le Québec a adopté une approche cohérente avec le Cadre de référence sur le soutien communautaire en logement social. C’est au niveau de sa mise en œuvre que se manifestent certaines difficultés, que l’on doit surmonter.

LE PROBLÈME
› Le soutien communautaire souffre d’un manque d’encadrement au niveau de ses clientèles ciblées. Dans plusieurs régions, on observe un net déséquilibre au détriment des organismes intervenant en itinérance et auprès des familles en difficulté ; l’allocation du financement témoigne également de disparités entre logement public et communautaire.
› Il y a un déficit de transparence et un manque de paramètres dans le partage des ressources au niveau régional, ce qui entraîne certaines incohérences : projets ne répondant visiblement pas aux critères du soutien communautaire, organismes bénéficiaires qui n’offrent pas de logement permanent, etc.
› L’absence d’indexation de l’enveloppe globale ne permet pas aux OSBL d’habitation de maintenir les mêmes niveaux de service. Les nouveaux projets n’ont pas accès au financement du soutien communautaire, l’enveloppe étant déjà attribuée.

CE QUE NOUS PROPOSONS
› Assurer un financement minimum du soutien communautaire en logement social à hauteur de 30 millions $ annuellement pour que ce service puisse être offert dans tous les projets qui le requièrent et transformer au moins une partie des sommes allouées en un financement récurrent.
› Mettre en place un processus plus équitable et transparent de répartition des enveloppes budgétaires avec des paramètres clairs s’appliquant dans l’ensemble du Québec, dans le respect des dynamiques et particularités de chacun des milieux. À cet effet, nous préconisons la mise en place des instances partenariales prévues par le cadre de référence aux niveaux national et régional.
› Que l’on s’assure qu’à tout nouveau projet de logement social et communautaire pour personnes aînées ou à risque d’instabilité résidentielle soit attaché un financement pour que le soutien communautaire y soit disponible.
Le bilan du cadre de référence, que le gouvernement s’est engagé à réaliser dans son Plan d’action interministériel 2017-2021 de prévention en santé, doit permettre de renouveler la collaboration entre les partenaires, sur la base d’une approche transparente et équitable, afin de répondre le mieux possible aux besoins des populations fragilisées à qui s’adresse le soutien communautaire.