Immigrants portant à bout de bras de petits drapeaux canadiens

15 janvier 2024

Immigration et crise du logement : un lien de causalité ?

Ces derniers mois, plusieurs observateurs ont soutenu que l’immigration aggravait la crise du logement.  

Un récent article de La Presse canadienne rapportait d’ailleurs les propos du sous−gouverneur de la Banque du Canada, Toni Gravelle, qui a affirmé publiquement que si la « hausse de l’immigration contribuait à la croissance de l’économie et de la main−d’œuvre du pays, elle alimentait également l’inflation par le biais de la demande de logements ».

 

Avec une augmentation de 430 000 personnes au cours du troisième trimestre 2023, le Canada a enregistré le rythme de croissance démographique le plus rapide depuis 1957.    

Selon un sondage commandé par The Globe and Mail et réalisé par Nanos (en anglais) en septembre 2023, plus de la moitié de la population (53 %) serait favorable à une baisse des seuils d’immigration, un pourcentage en augmentation de 20 points depuis mars 2023. 

 

Pourtant, dans une société où le taux de natalité est en déclin et dans laquelle la main-d’œuvre s’amenuise, l’immigration n’est-elle pas essentielle à l’équilibre et à la vitalité socioéconomique ? 

IRIS

Plusieurs entreprises comptent désormais sur la main-d’œuvre temporaire pour assurer leur pérennité. Au 1er janvier 2023, les travailleuses et les travailleurs temporaires représentaient un peu moins de la moitié (44,1%) des résident·e·s non permanent·e·s présent·e·s au Québec.

À la défense de l’immigration 

Un éditorial de Stéphanie Grandmont, paru dans La Presse, arguait que les immigrants font justement partie de la solution à la crise du logement. 

L’éditorialiste y rappelle que si la population avait, pour une première fois dans son histoire, augmenté de plus d’un million en 2022 (+2,7 %), et que le phénomène est principalement attribuable à l’immigration.  

Elle estime qu’en intégrant mieux les personnes immigrantes dans l’industrie de la construction du Québec, qui aurait besoin de 12 000 travailleurs supplémentaires, les immigrants pourraient faire une différence positive en matière d’habitation.  

Mme Grandmont précise que les travailleurs étrangers ne composent que 8 % de la main-d’œuvre dans ce domaine. Et pour cause, la reconnaissance des acquis est ardue et les cartes de compétence sont difficiles à obtenir. Selon les données de l’Association de la construction du Québec (ACQ), la province aurait accueilli seulement 1,2 % des 8 548 travailleurs étrangers temporaires ayant contribué à l’industrie canadienne de la construction. 

La journaliste croit également que la Commission de la construction du Québec (CCQ) devrait rendre ses processus d’accueil plus prévisibles et qu’il importe de valoriser les compétences des travailleurs potentiels déjà installés sur le territoire.  

 

Un raccourci dénoncé 

Même son de cloche du côté de l’Institut de recherche et d’informations socioéconomiques (IRIS), qui a publié, en décembre dernier, un billet sur l’impact de l’immigration sur la crise du logement que traverse le pays.  

Celui-ci rappelle que les immigrants ne sont à l’origine que d’une faible part de la nouvelle demande pour des logements et que ces personnes ne vivent pas forcément seules.  

Si l’argument des détracteurs était fondé, une ville comme celle de Montréal, qui accueille une masse critique d’immigrants, n’aurait pas le taux d’inoccupation le plus élevé des municipalités de plus de 100 000 habitants sélectionnées par Statistique Canada dans le cadre de son enquête sur les logements locatifs (2022).  

En effet, alors que la majorité d’entre elles présentent des taux d’inoccupation sous la barre du 1 %, Montréal atteint pour sa part 2 %, ce qui se situe tout de même en deçà du seuil d’équilibre (Statistique Canada, 2022).  

 

Facteurs aggravants 

L’IRIS évoque les phénomènes ayant plongé le Québec dans un état de crise, et au premier chef, le déficit de construction de logements sociaux qui a déséquilibré le marché depuis les années 1990.  

S’ajoutent à ce facteur la hausse des loyers et des prix immobiliers, les évictions frauduleuses, la spéculation, sans compter la régulation laxiste concernant la location à court terme. 

La présence, dans les grandes villes, de fonds d’investissement et de sociétés de gestion d’actifs, pour lesquels les profits sont primordiaux, fait également grimper le coût des loyers.  

Ainsi, les immigrants, dont les revenus sont plus faibles, en moyenne, et qui subissent davantage de discrimination en matière de logement, demeurent des victimes de la crise.  

IRIS

Seule une politique d’habitation qui se donnerait pour objectif d’assurer le droit au logement à l’ensemble de la population et de lutter contre les inégalités entre propriétaires et locataires, peu importe leur origine, permettrait de remédier à la crise du logement.

Sources :  

Le Nouvelliste, le 11 janvier 2023, Pression de l’immigration sur le logement: Ottawa avait été averti 

Le Soleil, le 7 décembre 2023, La hausse de l’immigration fait grimper les prix du logement 

La Presse, le 17 octobre 2023, Les immigrants font partie de la solution 

Ici Radio-Canada, le 23 novembre 2023, Analyse | La hausse de l’immigration alimente-t-elle la hausse des loyers? 

Institut de recherche et d’informations socioéconomiques, le 19 décembre 2023, Logement et immigration : attention aux raccourcis 

 

Pour aller plus loin : 

Le Devoir, le 26 juillet 2023, Fermer la porte aux immigrants n’est pas une solution, affirme Fraser 

La Presse, le 27 septembre 2023, Le boom d’immigrants secoue le marché