20 mai 2021

Budget mi-figue, mi-raisin à Ottawa

 

Le budget déposé en avril par la ministre des Finances Chrystia Freeland confirme l’orientation générale prise par le gouvernement du Parti libéral du Canada depuis 2017, c’est-à-dire une volonté d’intervenir davantage pour rendre le logement plus abordable pour les personnes vulnérables. Cette intervention prend parfois la forme de programmes dont le financement provient directement d’Ottawa (vers les municipalités, par exemple) ou d’ententes avec les provinces qui peuvent ensuite injecter les fonds fédéraux dans leurs propres programmes (comme c’est le cas avec Québec pour AccèsLogis).

De manière globale, on peut dire que le financement supplémentaire de 2,5 milliards de dollars consenti au logement abordable dans ce budget ne permettra pas de résorber de manière importante la crise du logement au Canada ni d’atteindre l’objectif de la Stratégie nationale sur le logement qui est de « donner aux Canadiens de tout le pays accès à des logements abordables qui répondent à leurs besoins ».

Notons ensuite que le gouvernement fédéral a encore une fois manqué une occasion de redresser une relation historique injuste avec les Premières Nations. Il ne prévoit en effet aucune mesure pour soutenir le logement pour Autochtones en milieux urbains, ruraux et nordiques. Le secteur du logement sans but lucratif n’a pourtant cessé de plaider depuis des années en faveur de la mise en place d’une stratégie du logement distincte, par et pour les Autochtones. Quand le gouvernement Trudeau lancera-t-il cette stratégie attendue depuis déjà trop longtemps ?

Le budget Freeland contient par ailleurs des annonces intéressantes pour le secteur du logement social et communautaire. Notamment, on annonce un financement supplémentaire de 1,5 milliard de dollars pour une deuxième phase de l’Initiative pour la création rapide de logements (ICRL), avec l’objectif « d’ajouter un minimum de 4 500 nouvelles unités abordables à l’offre de logements du Canada ». Le quart de ces fonds seront par ailleurs consacrés à des projets de logement pour les femmes.

Rappelons qu’après avoir lancé la première phase de ce programme à l’automne 2020, le gouvernement fédéral a accepté de transférer au Québec une part équivalant à 23 % des fonds alloués dans son volet des projets. Alors que l’ICRL devait en principe financer la construction de nouveaux logements abordables pour les populations vulnérables, les fonds transférés au Québec ont servi pour l’essentiel à bonifier le financement de projets de logements dont la réalisation était déjà promise et engagée par le gouvernement du Québec dans le cadre du programme AccèsLogis (lire à ce sujet le texte de la FROHME, à la page 23 de ce bulletin). Pour le RQOH, si le gouvernement fédéral compte encore transférer une partie des sommes allouées à l’ICRL au Québec, il doit mettre comme condition qu’elles seront utilisées exclusivement à financer de nouveaux projets de logement social et communautaire, et non à financer des projets déjà en voie de réalisation. Questionné directement à ce sujet lors d’une table-ronde fin avril, Ahmed Hussen, le ministre responsable de la SCHL, a répondu : « Ma priorité sera de m’assurer que les fonds consacrés au logement dans le cadre de l’ICRL et les investissements dédiés aux projets au Québec serviront à de nouveaux projets qui offriront des solutions de logement rapides et des logements abordables permanents pour les personnes vulnérables. Ce sera ma position et je me battrai pour ça. »

Concernant la réaffectation de 1,3 milliard de dollars dans le cadre du Fonds national de co-investissement pour le logement, qui pourra notamment servir à la création de nouvelles unités, « il aurait été plus judicieux de l’envoyer directement aux provinces, pour qu’elles puissent investir dans leurs propres programmes et répondre à leurs besoins spécifiques », a justement soulevé ma collègue Chantal Desjardins, directrice générale de la FOHM. Enfin l’investissement supplémentaire de 567 millions de dollars sur deux ans dans le programme Vers un chez-soi permettra de maintenir les niveaux de financement que l’on connaît déjà.

Bref, en dépit de quelques bonnes nouvelles, dans l’ensemble, les nouveaux investissements dans le logement abordable sont superficiels par rapport aux besoins et sont nettement insuffisants pour contrer des phénomènes aussi criants que la gentrification accélérée des quartiers centraux des grandes villes et son lot d’expulsions pour cause de « rénoviction », la spéculation immobilière grimpante, les hausses généralisées de loyers.

André Castonguay
Président du CA