« La Stratégie nationale sur le logement aura comme objectif d’assurer un logement adéquat et abordable à tous les Canadiens », a confirmé le ministre responsable de l’habitation, Jean-Yves Duclos. Au Canada, quelque 1,6 million de ménages sont actuellement mal-logés, alors que depuis vingt ans, les investissements fédéraux en logement social ont drastiquement diminué. Le gouvernement libéral semble vouloir changer de cap. Retour sur une consultation de longue haleine.

Le RQOH n’a pas ménagé ses efforts depuis le début de l’opération devant mener à l’adoption d’une première politique canadienne d’habitation en 40 ans. Avec ses fédérations membres, il s’est consacré à mettre de l’avant les avantages et la pertinence du logement communautaire. Outre la participation à des forums et à des tables rondes, et en plus du mémoire déposé auprès de la SCHL, le RQOH a également multiplié les rencontres avec des responsables de haut niveau.

« Ce dont les personnes mal logées du Canada ont besoin maintenant, affirmait le directeur du RQOH Stéphan Corriveau à l’issue de la consultation, c’est une stratégie qui aura les moyens à l’avenant de la volonté politique annoncée par le gouvernement. Les OSBL sont prêts à contribuer et être des partenaires solides de cette démarche. »

« À ce stade-ci, soutient le directeur du RQOH, ce que nous attendons, ce sont des engagements en espèces sonnantes et trébuchantes, des facilités de crédit à taux avantageux pour les développeurs du secteur social et communautaire et des mesures immédiates pour la protection du parc de logements existants. »

Pour financer la protection du parc et son développement, le RQOH a proposé des approches innovantes et créatives, notamment un trio de mesures s’appuyant sur les forces et les actifs de l’habitation communautaire et visant à renforcer son autonomie. Dans son mémoire et dans les nombreuses représentations qu’il a faites au cours de la dernière année, le RQOH a apporté des preuves plus que probantes que le gouvernement fédéral est en mesure de soutenir cet effort sans faire exploser son budget.

600 000 logements communautaires d’ici 2035

« Au Canada, 1,622 million de ménages locataires versent plus de 30 % de leur revenu au paiement du loyer, une situation inadmissible. Partant du constat qu’une part importante de la responsabilité de cette situation échoit au trop faible développement du logement social et communautaire depuis 20 ans, le RQOH a réclamé la relance de la construction de 600 000 logements communautaires d’ici 2035. Là ou le taux de vacance ne justifie pas de nouvelles constructions, il faut procéder à l’achat d’immeubles existants afin de les intégrer au parc du logement communautaire, ce qui permettra d’offrir de manière pérenne des logements de qualité à bas prix» explique Martin Bécotte, président du RQOH.

Les fédérations régionales et le RQOH ont également proposé des mesures de protection pour garantir la pérennité du parc de logements sociaux et communautaires existant, assorties de mécanismes de pérennisation financière, juridique et organisationnelle du logement sans but lucratif qui soient adaptés à ses caractéristiques.

De nombreuses représentations à Ottawa

Au beau milieu du processus de consultation fédéral, à la fin du mois d’octobre, l’Association canadienne d’habitation et de rénovation urbaine (ACHRU) a organisé sa traditionnelle journée « Logement sur la Colline », au cours de laquelle des délégués des quatre coins du pays ont rencontré près de 60 ministres et députés fédéraux à Ottawa. La délégation québécoise comportait près d’une dizaine de personnes provenant des fédérations et de la permanence du RQOH. À cette occasion, le ministre Jean-Yves Duclos a admis que la balle était désormais dans le camp du gouvernement fédéral, après avoir déclaré que « le logement est une pierre angulaire dans la construction de communautés inclusives ». Cette même journée, Pablo Rodriguez, Secrétaire parlementaire du ministre de l’Infrastructure et des Collectivités, a dit que le logement communautaire « se trouvera au centre des engagements fédéraux en matière d’habitation ». Ces déclarations, et bien d’autres du même type, justifient largement les attentes à l’égard de la Stratégie qui devrait être dévoilée début de 2017.

En novembre, le RQOH a rencontré Amarjeet Sohi, le ministre des Infrastructures et des Collectivités, pour discuter du rôle éventuel de la future Banque de l’infrastructure du Canada (BIC) dont le gouvernement avait annoncé la création le mois précédent. On sait que cette banque pourrait servir à relancer la construction des nouveaux logements. Dotée d’actifs de dizaines de milliards de dollars, la BIC aura pour mandat de soutenir des projets dans les transports en commun, les infrastructures vertes et les infrastructures sociales – dont le logement. M. Sohi participera donc aux arbitrages en ce qui a trait à la priorité accordée au logement social et communautaire dans les projets à venir.

Au terme des discussions, le RQOH espère que le logement à prix abordable figurera au rang des priorités de la BIC, et que cette dernière (ou tout autre porteur des projets comme la SCHL) mettra en place un programme de subventions et de prêts à bas taux de grande envergure pour soutenir notre mouvement.

En décembre le RQOH s’est rendu à Ottawa à de nombreuses reprises pour des rencontres de haut niveau dont une avec Catherine McKenna, ministre fédérale de l’Environnement (au cours de laquelle a été abordé le logement communautaire comme un partenaire qui pourrait participer activement à la lutte contre les changements climatique); avec M. Siddall, Président de la SCHL (une institution qui devrait normalement être au cœur de la Stratégie); et plusieurs autres avec des élus de tous les partis et bien des hauts fonctionnaires.

Après cette mobilisation et ce véritable ballet diplomatique, si nos propositions ne sont pas retenues par le gouvernement du Canada, on ne pourra pas dire que c’est parce qu’elles ne lui auront pas été présentées !

Des attentes mesurées et raisonnables

Lorsque le ministre Duclos a révélé les grandes lignes de ce qui a été entendu lors de la consultation, il se dégageait clairement de son discours que le développement du logement social figurait en bonne place dans les priorités des Canadiens.

Autre point à noter : la Stratégie nationale du logement devrait s’attaquer, selon la majorité des personnes sondées, à la question de l’offre de logements de qualité à prix abordable, surtout pour les secteurs les plus vulnérables de la population comme les ménages à faible revenu et les personnes en difficulté, ce qui inclut des efforts coordonnés dans la lutte à l’itinérance. Plusieurs idées ont été exprimées pour aller dans ce sens, mais il ressort clairement de la consultation que le logement social et communautaire est une excellente réponse pour faire face aux besoins impérieux de ces secteurs de la population. Par ailleurs, l’évocation du droit au logement dans le document gouvernemental est encourageante.

Enfin, les propos tenus par le ministre Duclos mènent à conclure que le gouvernement du Canada a une responsabilité claire pour garantir que tous les Canadiens aient accès à un logement décent et abordable. Il est entendu que cette tâche doit être accomplie en accord avec les autres paliers de gouvernement.

Puisque 2016 a été l’année des consultations et des discours, espérons que 2017 soit celle de l’action et des prises de décisions !