« C’est un programme humain, un nouveau défi. On rassemble des clientèles qui ne sont pas habituées à vivre ensemble : familles, aînés, personnes avec des besoins spécifiques » raconte avec passion et émotion la présidente et fondatrice de l’organisme, Micheline Labrèche. L’organisme communautaire offre non seulement 65 logements abordables, mais surtout un milieu de vie chaleureux et sécuritaire, où le partage et l’entraide sont favorisés par des activités et des services conçus pour encourager les échanges intergénérationnels.
À chaque étage, des familles à faible revenu, des personnes de 75 ans et plus à revenu modeste, ainsi que des personnes ayant des besoins particuliers tissent des liens de voisinage. Une partie des logements sont subventionnés par le programme de supplément au loyer. Neuf logements sont réservés à des familles (volet I du programme AccèsLogis), trente-six à des aînés (volet II) et vingt à des personnes vivant avec une déficience intellectuelle ou physique, ou encore un trouble de santé mentale (volet III).
« Je vais à la réunion du comité de loisirs, mais je crois que je suis en retard », explique Jay, un jeune homme malvoyant, en passant dans le corridor. Micheline le rassure en lui disant que les autres, trois femmes aînées et l’intervenante psychosociale, viennent de s’installer. Des ateliers d’horticulture, de menuiserie, de cuisine, de tricot, de peinture, etc. sont organisés par les locataires qui le souhaitent, organisés en différents comités.
L’horticulture comme lien social
Au coeur du projet, la grande serre du 3e étage offre un immense espace où les enfants et les adultes apprennent à faire des transplantations, prendre soin des plantes et récolter les légumes. Ces activités horticoles ont été mises en place en partenariat avec les Serres de Clara, un organisme communautaire d’insertion sociale offrant des activités de jardinage et de cuisine collective, d’horticulture et de restauration de sites naturels.
Au printemps 2017, une horticultrice professionnelle des Serres de Clara a formé les locataires de la Cité les 3 R, en échange de l’utilisation des infrastructures de la résidence pour faire pousser des végétaux, qui ont été transférés dans le jardin communautaire tout proche. « La récolte a été extraordinaire », déclare la présidente de l’OSBL d’habitation. Les légumes « faits-maison » apportent une saveur particulière aux soupers communautaires qui rythment la vie de la Cité (pour un barbecue, un brunch, Halloween, Noël…). Ceux qui n’ont pas été cuisinés ont été vendus à la fin de la saison aux locataires de la Cité les 3 R et de la coopérative d’habitation voisine. « Cet argent va servir à acheter de la terre pour l’année prochaine », explique Mme Labrèche.
Les résidents aînés bénéficient de deux repas chaque jour ; ils sont optionnels pour les autres locataires, au prix de 10$ pour un repas complet. « Pour moi, la cuisine c’est l’âme, ajoute Mme Labrèche. On est vraiment très chanceux d’avoir notre chef. Avant, il travaillait dans une grosse résidence ; ici il n’y a que 30 couverts, c’est plus tranquille. Il a communiqué avec moi pour travailler ici, dans un environnement plus paisible. »
Tous les espaces ont été conçus pour accueillir toutes les générations et répondre aux besoins particuliers. La cuisine collective côtoie la salle de projection vidéo ainsi que la salle communautaire où des ordinateurs sont disponibles, notamment dans le cadre de sessions d’apprentissage. Une intervenante psychosociale permet d’entretenir le climat de sécurité et de respect entre les locataires. Une pharmacienne offre ses services une fois par semaine ; elle est aussi membre du conseil d’administration. La Fédération des OSBL d’habitation de Laval, Laurentides, Lanaudière (FOH3L) assure la gestion du projet.
Une idée qui germe puis grandit
Tout commence en 2007, quand Mme Labrèche cherche un gîte pour elle, ainsi que pour son amie Murielle Larivière. Le problème, qui ne devrait pas en être un, c’est que Murielle ne peut se mouvoir comme Micheline, car elle est paralysée et se déplace en fauteuil roulant. L’idée d’une habitation intergénérationnelle, destinée autant aux valides qu’aux invalides, germe et grandit, comme les plantes qui croissent désormais dans la serre de l’imposant bâtiment. « Nous avons commencé à réfléchir en petits groupes au projet. Je ne connaissais pas ça les coopératives ou les OSBL d’habitation. C’est incroyable comme viennent les idées : au départ, je cherchais plus un bed and breakfast qui aurait pu nous accueillir ! »
Ce n’est que dix ans plus tard, en décembre 2016, que la Cité les 3 R accueille finalement ses premiers résidents. Malheureusement, Murielle Larivière est décédée avant de voir le projet sortir de terre. « On a beaucoup travaillé ensemble. Elle était capable de fouiller dans ma tête pour me proposer les bonnes idées. Sa tête était remplie d’explosifs… c’est sûr qu’on s’est mises à rêver. Malheureusement, elle n’a jamais pu venir » raconte Mme Labrèche les larmes aux yeux.
Développer les espaces verts !
Le potager de la Cité les 3 R sera bientôt agrandi pour permettre encore plus d’activités de jardinage et de soupers communautaires préparés avec les produits cultivés par les résidents. De plus, à l’arrière, un parc municipal s’étend jusqu’au jardin communautaire de la Ville de Saint-Jérôme, qui est géré par l’OSBL les Serres de Clara. « Dans le cadre d’un plan triennal, la ville va aménager des sentiers accessibles aux fauteuils roulants dans le parc, explique la présidente de l’OSBL. Une passerelle sera installée, ainsi nos résidents et tous les habitants de notre quartier pourront se rendre au jardin communautaire. Il n’y a pas de fin à notre projet ! » Le passage reliant le jardin communautaire des Serres de Clara et la Cité les 3 R permettra à l’OSBL d’habitation d’être au centre des allers et venues.