Lorsque les Habitations L’Équerre se sont installées dans le quartier, les problèmes sociaux foisonnaient. Enclavé au fond d’un cul-de-sac, mal desservi par les transports en commun, loin des services et des emplois, le quartier connaissait beaucoup de délinquance, et un engrenage malsain d’interventions policières. Dans ce contexte pour le moins difficile, l’organisme a connu des ratés administratifs l’ayant beaucoup fragilisé.
Les temps ont bien changé, car aujourd’hui le quartier est tranquille sans s’être embourgeoisé et le groupe ne se contente pas d’offrir aux habitants du quartier une solution de rechange en termes de prix, avec des loyers se situant à 90 % du loyer médian du marché. En effet, l’équipe des Habitations L’Équerre, Denise Godbout en tête, multiplie les initiatives audacieuses, à l’intérieur comme à l’extérieur des murs, pour appuyer les résidents dans leur quête d’une meilleure qualité de vie, d’une plus grande dignité.
Difficile d’énumérer tous les projets tant il y en a ! Mireille Pelletier, coordonnatrice des services à la clientèle et des communications : « On prête des locaux pour une cuisine collective, les jeunes de 6-12 ans fréquentant l’école voisine ont leur place ici, on anime des activités sur la sécurité alimentaire et des groupes d’achats pour contourner les “semaines chères” à l’épicerie, on rend disponibles des bacs à jardin, on organise régulièrement un restaurant populaire, “La Grande table”, où les gens du quartier se font servir, comme au restaurant ! »
La petite bibliothèque communautaire, sous la responsabilité de la Table de quartier 4 saisons (TQ4S), est un véritable succès. Située dans un local multifonctionnel, elle jouxte des installations de cuisine et abrite des ateliers de bricolage. Elle est organisée pour recevoir des visites des petits du CPE voisin et on y a disposé des pupitres pour que les jeunes fassent leurs devoirs en toute tranquillité. Au moment de notre visite des lieux, Alexandre était d’ailleurs plongé dans ses leçons.
Les Habitations L’Équerre multiplient par ailleurs les partenariats avec d’autres organismes, à qui elles offrent, parfois gratuitement, parfois pour une somme modeste, des espaces de bureau ou d’intervention. C’est le cas du CSSS de l’Université de Sherbrooke, qui peut ainsi déployer un travailleur social dans le quartier pour une approche de proximité.
Les Habitations L’Équerre servent ainsi d’intermédiaire et de caution entre un réseau de la santé parfois discrédité et des résidents souvent méfiants. « Nos gens sont brûlés par le système, raconte Denise Godbout. Ils ont tout eu : les travailleurs sociaux, se faire dire quoi faire 200 fois, etc. » Le travailleur social installé là, Jérôme, raconte qu’avec les résidents « il faut y aller par projet, commencer à les connaître, à les accompagner dans leur cheminement à travers différents services du CSSS ».
Des plans pour l’avenir ? Regrouper tout ce beau monde et d’autres encore dans une Maison de quartier attenante au terrain de l’OSBL, un projet dans lequel les Habitations L’Équerre jouent un rôle central, car ses propres bureaux y seront aménagés. Le groupe engage d’ailleurs une partie des 3,5 millions $ nécessaires. « Le Réseau d’appui aux familles monoparentales et reconstituées de l’Estrie, le Centre de la petite enfance, la Table de quartier, une lunetterie communautaire, la pédiatrie sociale, une salle communautaire, l’intervention de quartier du CSSS, éventuellement une maternelle 4 ans et une maison de naissance : on se donne un lieu de rassemblement et d’aide », explique la directrice générale. Le tout dans une démarche qui intègre philosophie d’action, architecture, adéquation des installations aux activités.
Pour les artisanes du groupe, l’avenir n’est pas uniquement dans la brique et le béton. « Comme organisme à but non lucratif, la base, c’est la démocratie. Ça prend plus de temps, et il faut la faire vivre. On s’est doté de moyens pour que les gens s’impliquent et créent un sentiment d’appartenance », dit Mireille Pelletier. Et sa collègue de renchérir : « Il y a beaucoup de locataires qui ne savent même pas qu’on est un OSBL. Améliorer la communication avec les locataires, prendre du temps, remettre la démocratie au centre de notre projet, voilà le défi ! Les gens connaissent les HLM et les coops, mais les OSBL, non. Et on est quand même le plus gros à Sherbrooke ! Faire connaître et se faire reconnaître. On travaille là-dessus ! »